Rentrée judiciaire : visioconférences, WebRTC et une nouvelle plateforme en ligne

Blogue en droit criminel et pénal


Rentrée judiciaire : visioconférences, WebRTC et une nouvelle plateforme en ligne


Me Julie Couture, avocate, Couture Avocats, St-Jérôme - Juillet 2020


Depuis le 1er juin dernier, les activités judiciaires reprennent tranquillement et graduellement. En droit criminel, les tribunaux reprennent leurs tâches mais celles-ci nécessitent des adaptations. Comme bien d'autres secteurs affectés par cette pandémie, les Cours municipales et les Cours du Québec ont su s’adapter à la vitesse « Grand V » pour être en mesure de reprendre leurs activités.

Palais de justice de Longueuil

WebRTC

Plusieurs professionnels du droit ont adapté leur pratique, offrant la possibilité de tenir des séances en visioconférence par le système Web RTC, qui signifie Web Real-Time Communication, littéralement « communication en temps réel pour le Web ». D'autres sont encore en attente de l'installation d'un tel système, citons par exemple le palais de justice de Longueuil.

Faire d'une pierre deux coups

Pour un avocat criminaliste qui a l'habitude de se déplacer d'un palais de justice à l'autre dans un court laps de temps, souvent dans la même journée, la possibilité de traiter certains dossiers par visioconférence est une réelle opportunité! C'est à la fois plus rapide et efficace, ce qui permet aux avocats de traiter des dossiers tout en évitant des déplacements, ainsi que les encombrements liés à la distanciation sociale imposée dans les endroits publics.

Quand il est possible d'éviter des risques inutiles, pourquoi ne pas utiliser les outils mis à notre disposition? Évidemment, certaines rencontres ne peuvent être exécutées à distance. Mais pour les séances qui le peuvent, cela signifie moins de risques et moins de perte de temps : tout le monde en sort gagnant.

Nombreuses règles et mesures de protection

Les différentes Cours se sont munies de panneaux en plexiglas pour protéger les gens. Des stations de gel désinfectant ont été installés aux endroits et à d'autres endroits stratégiques. Il va sans dire que le nombre de personnes est restreint dans les salles d’audience, afin de respecter les règles de distanciation.  Il n’est pas rare d'observer une file d’attente à l’extérieur d'une salle d'audience.  

Même la Cour supérieure a réduit ses activités régulières. Toutes les Cours de justice doivent respecter les consignes locales de distanciation de chacun des palais de justice ou des Cours municipales.  Évidemment, ces nombreuses règles et mesures à appliquer ont le même effet que partout ailleurs : elles prolongent le processus, quel qu'il soit.

Files d'attente et délais

En matière civile, les délais demeurent suspendus jusqu’à nouvel ordre. Il en est ainsi malgré la reprise des activités des chambres criminelles, pénales et de la jeunesse, pour ne nommer que celles-ci. 

Du côté des Cours municipales, il n’est pas rare d'observer des files d’attente à l’extérieur, malgré la canicule historique accable le Québec ces jours-ci. Ce sont des conditions désagréables pour les justiciables et les avocats qui sont dans l’obligation de se rendre à la Cour. Il faut donc trouver des alternatives.

Greffe numérique judiciaire du Québec

Le 15 juin dernier, le ministère de la Justice a mis en ligne une nouvelle plateforme. Il s'agit d'un greffe numérique qui permet aux citoyens et citoyennes ainsi qu'aux professionnels du milieu juridique de déposer en ligne certains actes de procédure dans les matières civile, jeunesse, criminelle et pénale.

    « Le Greffe numérique judiciaire du Québec vous permet d’envoyer électroniquement, aux greffes des palais de justice, certains actes de procédure accompagnés de documents  (formulaires, preuves de notification, etc.) dans les matières civile, jeunesse, criminelle et pénale. Vous pouvez l’utiliser que vous soyez un citoyen ou un professionnel. »

    Greffe numérique judiciaire du Québec

Comme vous pouvez le constater, les choses bougent à une vitesse incroyable et nous devrons tous ajuster notre tir à maintes reprises pour nous adapter à ce nouveau système de justice. Même si un jour les règles finissent par s'assouplir, il n'y aura pas de réel retour en arrière "comme avant". Nous devons apprendre à vivre avec ce virus ou les autres qui suivront. De nombreuses mesures sont là pour rester.

Un système qui doit s'adapter

Ceci dit, nous savons à quel point notre système de justice est conservateur. Au fil des ans, il a eu du mal à s'adapter aux nouvelles technologies. Le juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable juge Richard Wagner, disait récemment dans un webinaire qu’il fallait se faire à l’idée, car les procès virtuels seront bientôt en vogue. Il se questionnait sur le changement de pensée survenu chez les avocats au fil du temps. En effet, ceux-ci souhaitent provoquer un changement culturel face à l'utilisation de la technologie, tout en assurant une totale transparence du système.

En quoi l’intelligence artificielle pourrait-elle contribuer à notre système actuel ? Il est bon de se questionner afin de toujours tenter de faire mieux, et de le faire bien.  Nous avons tous un rôle à jouer dans l'évolution de notre système de justice, et ce afin de le rendre le plus abordable possible. Citons en exemple l’arrêt Jordan, qui nous a ébranlés, mais qui fût l'alarme dont nous avions besoin pour réaliser que notre système était malade. Il fallait se questionner pour savoir comment faire mieux.

Toujours dans le même webinaire, le très honorable juge Richard Wagner termine en se questionnant : quelle solution avons-nous à notre disposition pour vaincre cette résistance, cette « peur du changement » ? Du côté des avocats, il est indéniable qu’un prochain arrêt, équivalent au raz-de-marée provoqué par Jordan, est à prévoir.

Si certains résistent au changement, seul le temps pourra le leur faire accepter. Nous sommes à l'ère de la technologie numérique et virtuelle. Notre système ne peut pas vivre en marge de ce monde. Les Cours de justice devront toutes s’adapter et s’équiper de systèmes efficaces et sécuritaires.  Chose certaine, la Covid-19 aura changé bien des choses! Elle aura forcé bien des changements en mode accéléré, nous forçant à abaisser nos barrières et à nous adapter.

Le Barreau du Québec, au lieu d’annuler ses événements, donne l’exemple et s’adapte à la nouvelle réalité. Il tiendra son assemblée mensuelle par rencontre téléphonique ; les autres Barreaux de section tiendront leurs assemblées en mode virtuel. 

L'importance de la rentrée judiciaire

Tous les professionnels du droit savent à quel point les rentrées judiciaires sont importantes et leur permettent de se regrouper et faire le point sur l’année passée et celle à venir. C’est le moment où le nouveau bâtonnier se présente. Des prix sont souvent remis à l’occasion de cette cérémonie.  Cette année, le Barreau du Québec a annoncé que sa rentrée judiciaire se fera le 11 septembre, en mode virtuel. Le barreau de Laval a, quant à lui, annoncé que sa rentrée judiciaire se fera le 17 septembre, diffusée sur le web également.

Des nouveaux défis à l'ère numérique

Nous avons maintenant du retard à reprendre avec les nombreux dossiers en attente, et plusieurs défis à relever. Il faudra faire preuve à la fois de créativité et d'organisation, pour limiter les dégâts et retrouver notre efficacité. 

Plusieurs, dont notre juge en chef de la Cour suprême ainsi que plusieurs autres magistrats, ont grand espoir d'enfin pouvoir effectuer ce virage numérique tant attendu de manière définitive. L’ex-ministre de la Justice Sonia Lebel avait d’ailleurs donné le ton en décrétant que les salles d’audience virtuelles mises en place pendant la pandémie étaient là pour rester. Toutes ces mesures favoriseront un meilleur accès à la justice. Elles nous permettront de respecter la distanciation sociale et même d’éviter certains procès.

Reconnaître le positif

Même son de cloche de la part du bâtonnier du Québec Me Paul-Mattieu Grondin, qui souhaite voir notre système de justice faire le saut dans l'ère numérique pour de bon. S'il faut reconnaître le positif dans chaque situation, reconnaissons que cette terrible pandémie aura fait davantage évoluer notre système de justice en quelques semaines que dans les dernières années.

Bien que les procès civils se prêtent bien aux salles virtuelles, ce ne sera pas le cas pour les procès criminels. La raison en est simple : c'est souvent la crédibilité qui est l'enjeu principal.

Ceci dit, le télétravail dans le monde de la justice est là pour demeurer, et les rencontres en visioconférence font désormais partie du quotidien. Juges et avocats devront faire front commun pour avancer ensembles vers une justice procédurale moderne, créative, efficace et transparente.


Me Julie Couture est en pratique privée et membre du Barreau depuis 2003.  Elle a fondé son cabinet Couture Avocats et pratique exclusivement en droit criminel et pénal.  Vous pouvez consulter son blogue juridique en ligne.