Le Réseau juridique du Québec : Le mariage hors Québec

10 choses à savoir sur le mariage hors Québec et ses conséquences en cas de séparation


Par Me Lucianie Casséus, du cabinet TLM Avocats à Montréal.


Contenu



Introduction

On peut choisir de se marier à l’étranger tout en vivant au Québec, ou d’immigrer au Québec, tout en ayant déjà célébré son union dans son pays d’origine. Dans l’une ou l’autre de ses situations, il est légitime de se demander quelles sont les conséquences de ce mariage célébré à l’extérieur du Québec, en cas de séparation.

1. Est-ce que le mariage célébré à l'étranger est valide au Québec ?

Le mariage célébré à l’étranger entre deux personnes, qui ont respecté les lois du lieu de célébration, est valide au Québec. La preuve du mariage se fera par la production du certificat ou de l’acte de mariage, qui est remise par les autorités compétentes du lieu où a été célébré le mariage, postérieurement à l’union. En cas de doute sur la validité de l’acte, une recherche pourrait être effectuée auprès des archives ou des registres du pays où le mariage a été célébré.

2. Qui peut demander le divorce d'un mariage célébré à l'étranger ?

Le divorce peut être demandé par l’un des deux époux, que le mariage ait été célébré au Québec ou à l’extérieur. Les membres de la famille, soit par exemple les frères, sœurs, parents, ne peuvent pas demander le divorce à la place de l’époux ou l’épouse.

3. Est-ce que l'on peut divorcer au Québec, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger ?

Le Tribunal a compétence pour instruire le divorce et en décider, si l’un des deux époux vit habituellement dans la province pendant au moins un an avant d’introduire sa procédure de divorce.

Dans toute procédure de divorce introduite au Québec, il faut établir l’échec du mariage. La loi sur le divorce nous donne trois motifs qui donnent ouverture à une demande de divorce :

  • Une année de séparation avant le prononcé du divorce;
  • L'adultère;
  • La cruauté physique ou mentale rend intolérable le maintien de la vie commune.

Prenons un exemple : Pierre et Marie se sont mariés en France en 2013. Pierre est canadien et il vit au Québec. Marie est française. Postérieurement au mariage, ils ont décidé de venir vivre au Québec. En janvier 2017, Pierre et Marie se séparent. Marie retourne vivre en France. Au mois de décembre 2017, Pierre décide d’entamer les procédures de divorce au Québec.

Bien que Marie ne vive plus au Québec, Pierre peut introduire sa demande de divorce au Québec, car il réside sur le territoire depuis au moins un an avant l’introduction des procédures. Le fait qu’il ait célébré son mariage en France n’est pas un frein.

4. Est-ce que le patrimoine familial s'applique, si le mariage a été célébré à l'étranger ?

Il est légitime de se demander si en cas d’union à l’étranger on devrait être soumis au Patrimoine familial.

Au préalable, un petit rappel s’impose sur le patrimoine familial. Le patrimoine familial a été créé en 1989 par le législateur et modifié en 1990. Cette loi a créé un patrimoine familial, composé de certains biens des époux qui devrait être partageable en cas de séparation. Les biens sont les suivants :

  • Résidence familiale;
  • Résidence secondaire ayant servi à la famille;
  • Les meubles meublant ces résidences;
  • Les automobiles servant aux déplacements de la famille;
  • Les droits à la retraite accumulés durant le mariage : régime de retraite, REER, gains inscrits à la Régie des rentes du Québec.

C’est en quelque sorte une mesure de protection que le gouvernement a voulu créer pour protéger l’époux vulnérable en cas de séparation.

Les dispositions relatives au patrimoine familial dans le Code civil du Québec sont d’ordre public. Elles s’appliquent à tous les mariages. Les époux ne peuvent pas y renoncer d’avance ou par contrat de mariage. Ce n’est qu’au moment de la séparation, une fois que le patrimoine familial aura été déterminé et les valeurs connues, qu’un époux pourra éventuellement, de renoncer au partage du patrimoine familial.

Au moment de la séparation, ces règles s’appliquent. Il peut arriver exceptionnellement, sous réserve de la situation du couple, qu’il n’y ait pas d’application du patrimoine familial, cependant, cela est très rare.

Reprenons l’exemple de Pierre et Marie. Lors de sa consultation avec son avocat, Pierre lui demande ne de pas appliquer les règles du patrimoine familial, car il s’est marié en France avec Marie en 2013. L’avocat lui explique alors malgré son mariage en France en 2013, le patrimoine familial s’applique à lui, considérant que Marie et lui ont vécu ensemble au Québec postérieurement à leur mariage.

Ainsi, un mariage célébré à l’étranger ne peut permettre d’écarter les règles du patrimoine familial.

5. Quel est le régime matrimonial applicable lorsque le mariage a été célébré à l'extérieur du Québec ?

Le régime matrimonial applicable, lorsque les époux n’ont pas signé de convention matrimoniale à cet effet ou de contrat de mariage, est le lieu de domicile des époux au moment de l’union. Advenant que les époux habitaient dans deux états différents au moment de leur union, le régime matrimonial applicable est le lieu de la première résidence commune. À défaut de résidence commune, le régime matrimonial applicable serait le lieu de la nationalité commune des époux. Enfin, si les époux n’ont pas de nationalité commune, le régime matrimonial applicable serait le lieu de célébration du mariage.

La loi a donc mis en place un mécanisme très clair qui permet de déterminer le régime matrimonial applicable en cas de mariage célébré à l’étranger.

Si nous reprenons notre exemple, après le mariage de Pierre et Marie qui a eu lieu en France, les deux époux ont décidé de venir vivre au Québec. Nous savons initialement que Pierre est Canadien et Marie est française. Le lieu de célébration est en France. Considérant que le lieu de résidence commune des époux postérieurement au mariage a été au Québec, alors le régime matrimonial applicable, en l’absence de contrat de mariage, sera le régime de la société d’acquêts. 

6. Quelles règles appliquées pour déterminer la garde et la pension alimentaire en cas de séparation et de mariage hors Québec ?

Dans le cas où les époux, qui se sont mariés à l’étranger, et qui vivent au Québec se séparent, alors qu’ils ont des enfants, les modalités de garde et de pension seront réglées selon les dispositions de la Loi sur le divorce.

En l’absence d’entente sur la garde et la pension alimentaire, les époux devront introduire une demande au Québec. Le mariage hors Québec n’aura pas d’incident sur les modalités de la garde et de la pension alimentaire dans la mesure où les parents et les enfants vivent au Québec.

7. Lorsqu'un époux vit au Québec, et qu'il décide d'entreprendre une procédure de divorce là où le mariage a été célébré, cette procédure est-elle valide au Québec ?

Il est important de comprendre que lorsqu’une ou les époux vivent au Québec, depuis plus d’un an, la demande de divorce doit être introduite au Québec.

Il n’est pas rare de voir des époux, qui se sont mariés à l’extérieur du Québec, entreprendre des procédures de divorce dans le pays du lieu de célébration. On voit aussi souvent en pratique des personnes, qui sont originaires d’un pays, et qui vont introduire une procédure dans ce pays, sans pour autant avoir d’attaches réelles avec ce pays. Dans l’un ou l’autre des cas, le divorce obtenu dans cet autre pays n’aura pas de valeur en tant que telle au Québec. Il ne pourra pas être opposé à l’autre époux qui déciderait d’entamer sa procédure de divorce au Québec. Plus encore, ce geste pourrait être interprété comme de la mauvaise foi.

Prenons un exemple : les époux sont originaires de la Tunisie, mais ils se sont mariés au Québec et ils vivent ici depuis plus de 10 ans. Monsieur décide de faire une procédure de divorce en Tunisie, car cela va plus vite. Madame apprend qu’il a obtenu un jugement de divorce en Tunisie et elle décide d’entamer des procédures de divorce au Québec. Le jugement de divorce obtenu en Tunisie n’affectera pas la procédure de divorce au Québec. En effet, les parties vivent ici depuis plus de 10 ans, et le simple fait d’être originaire de la Tunisie ne permet pas d’écarter la compétence des tribunaux québécois.

Autre exemple : Madame et Monsieur se sont mariés en Colombie. Ils ont immigré par la suite au Québec et ils vivent ici depuis plus de 5 ans. Les deux époux s’entendent pour divorcer à l’amiable, mais ils ne savent pas s’ils doivent effectuer les démarches en Colombie ou au Québec. La procédure de divorce devra être introduite au Québec, car ils vivent ici depuis plus de 5 ans.

8. Mariage à l'extérieur et parrainage ?

L’ouverture sur le monde a pour conséquence que de plus en plus de personnes de pays différents se rencontrent et forment des couples. Il n’est pas rare, pour faciliter l’immigration d’un époux, que les couples décident d’avoir recours au parrainage. Dans bien des cas, les mariages sont célébrés à l’extérieur avant l’arrivée du conjoint au Québec. Là encore, la question peut se poser de savoir où introduire la procédure de divorce. Le conjoint vivant au Québec, depuis plus d’un an, pourra introduire sa procédure au Québec. Si l’autre conjoint n’est toujours pas arrivé sur le territoire, il ne pourra pas introduire une demande de divorce au Québec. Advenant que le conjoint parrainé soit sur le territoire depuis moins d’un an, là encore il ne pourra pas dans l’immédiat introduire une procédure de divorce. En revanche, il lui sera possible d’introduire une demande de séparation de corps.

9. Est-ce que le jugement de divorce rendu au Québec est valide dans le pays de célébration du mariage ?

Une fois le jugement de divorce obtenu au Québec, ils arrivent fréquemment que les époux se questionnent sur la reconnaissance de ce jugement dans le pays où le mariage a été célébré. La réponse à cette question dépend de la règle du pays où le jugement de divorce obtenu au Québec devra être reconnu. Habituellement, les parties devront consulter un avocat du pays en question pour connaitre la démarche à entreprendre pour obtenir la reconnaissance du jugement de divorce rendu au Québec.

Il se pourrait, en raison des règles de reconnaissance des jugements du pays où le mariage a été célébré, que le jugement de divorce obtenu au Québec ne soit pas reconnu. Dans ce cas, le jugement de divorce obtenu dans le pays où le mariage avait été célébré postérieurement au jugement de divorce obtenu au Québec, ne viendra pas annuler ce dernier. Le jugement de divorce du Québec restera applicable sur le territoire Canadien.

10. Peut-on obtenir le divorce au Québec même se l'ex-conjoint est retourné dans son pays d'origine où le mariage a été célébré, et qu'il ne veut pas divorcer ?

Dans la mesure où l’époux désirant procéder au divorce vit sur le territoire depuis plus d’un an, il pourra entamer ses démarches au Québec. Il sera nécessaire néanmoins d’avoir des coordonnées de l’autre époux afin qu’il puisse recevoir les procédures.

Le refus de l’autre époux de vouloir participer à la procédure de divorce ne sera pas un frein en tant que tel, et ce même s’il vit à l’étranger. Une preuve de signification valide de la demande de divorce permettra d’aller de l’avant, et d’obtenir le divorce, malgré le refus de l’autre époux.


Date de mise à jour : 1er mars 2019


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