Attention à la mention "Paiement Final" sur un chèque | RJQ

Attention à la mention "Paiement Final" sur un chèque ou dans la lettre l'accompagnant

AVIS AUX LECTEURS


Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.

L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.



Me Robert C. Potvin, avocat, Montréal.


Contenu

Introduction

Précautions de base

Quelques exemples

Conclusion


Introduction

Quelles sont les conséquences de l'encaissement d'un chèque pour une partie de la somme due par l'un de vos clients, lorsque ce chèque porte la mention "Paiement Final"? Qu'en est-il d'un chèque accompagné d'une lettre indiquant que son encaissement constitue un paiement final? Êtes-vous privé d'un recours pour la différence? Quelles sont les démarches à suivre?

À de nombreuses reprises, nos tribunaux se sont penchés sur cette question. Le principe général reconnu est à l'effet que l'encaissement d'un chèque, traite bancaire, mandat de poste ou autre effet comportant la mention "Paiement Final" ou accompagné d'une lettre indiquant que ce chèque constitue un paiement final, crée une présomption de faits que la dette est éteinte par ce paiement.

Cependant, si la conduite du créancier qui encaisse le paiement démontre qu'il l'accepte comme un paiement partiel de la dette en avisant par écrit le débiteur, le paiement ne sera pas considéré comme un paiement final. Il s'agit bien entendu d'une présomption qui peut être repoussée suite à la preuve faite et cette question est laissé à l'appréciation du tribunal.

Précautions de base

Par conséquent, avant d'accepter un tel chèque portant la mention "Paiement Final", il serait prudent d'aviser par écrit le débiteur qu'à défaut de placer un contrordre (annulation d'un ordre donné précédemment) de paiement dans les 15 jours de la réception du paiement ou de la lettre, le paiement sera considéré comme étant partiel par le créancier, sous réserve de ses droits et recours pour le solde dû. Le délai de 15 jours n'est pas un délai strict. Il suffit de donner à l'autre partie (celle qui a fait parvenir le chèque ou la lettre) un délai suffisant pour mettre un tel contrordre suite à l'avis du créancier à l'effet qu'il ne considère pas le paiement comme étant final. De plus, si vous êtes le débiteur, il faut vous assurer que le créancier soit en mesure de connaître exactement ce qui est payé de façon "finale" par votre chèque.

Quelques exemples…

Dans un litige, la Cour s'est penchée sur une situation où le créancier avait modifié les mots "Paiement total et final" sur l'endos du chèque par "Paiement partiel" sans aviser son débiteur. Le juge en est venu à la conclusion que le chèque constituait un paiement final, le créancier n'ayant pas donné à son débiteur l'opportunité d'arrêter le paiement.

Dans une autre décision, le débiteur avait transmis, par lettre un chèque en paiement final. La lettre stipulait: "si tu n'acceptes pas cette offre de règlement tu voudras bien me retourner mon chèque". Le créancier encaisse le chèque sans informer le débiteur. Le chèque portait la mention "Paiement Final et complet de toute somme due à XYZ Inc." et le créancier l'a encaissé en ajoutant l'annotation suivante :"inexact, c'est un acompte. Ce chèque n'est pas un paiement final mais bien un acompte du solde dû." Le juge est venu à la conclusion que bien que le créancier ait clairement indiqué qu'il n'acceptait pas ce chèque comme paiement final mais bien comme un acompte, il n'avait jamais avisé le débiteur avant d'inscrire les annotations sur le chèque avant de l'encaisser. Conséquemment, le chèque a été considéré comme un paiement final et libératoire.

Dans une autre cause, la Cour est venue à la conclusion que la certification d'un chèque fait en sorte que le débiteur ne pouvait plus placer un contrordre de paiement et que ladite certification donnait plein effet à la mention "Paiement Final".

Également, suite à l'envoi d'un chèque au montant de 25 000 $ avec la mention "Paiement total et final sur toutes factures dues à ce jour", le créancier encaisse ledit chèque sans réserve et sans protestation. Les mots "sur toutes factures" sont importants puisque plusieurs factures pour marchandises vendues et livrées avaient été envoyées dans le cours normal des affaires des parties. Ce n'est qu'un mois plus tard, après l'encaissement du chèque, que le créancier avisait par écrit le débiteur qu'il n'acceptait pas le chèque comme paiement final. Sa position ne fut pas retenue par le tribunal, lequel en venait à la conclusion que l'encaissement dudit chèque constituait un paiement total et final.

Un cas intéressant est celui où le créancier réclamait la somme de 16 000 $ pour des loyers impayés et des dommages-intérêts d'un débiteur. Ce dernier a mis en preuve le fait qu'il avait fait une proposition de règlement écrite accompagnée d'un chèque au montant de 675 $, laquelle offre était totale et finale. Ledit chèque fut encaissé par le créancier et, le même jour de l'encaissement (le compte était débité le jour même), le créancier avisait le débiteur qu'il encaissait le chèque à titre de paiement partiel sur les sommes dues. Bien que le chèque de 675 $ ne portait pas la mention "Paiement Final", il a été encaissé dans le cadre d'une offre de paiement final. La Cour a donc validé la position du débiteur, ce dernier n'ayant pas eu l'occasion d'émettre un contrordre.

Récemment notre Cour d'appel a même décidé que si le créancier qui a encaissé par erreur un chèque comportant la mention "Paiement Final", démontre les circonstances entourant l'encaissement, ce chèque ne constitue pas un paiement final. En effet, selon la Cour d'appel, décider autrement ferait en sorte que toute erreur ou confusion menant au dépôt d'un chèque accompagné d'une offre de règlement d'une créance créerait une présomption absolue de paiement final. Dans cette affaire, le chèque ne mentionnait pas "Paiement Final" mais la lettre l'accompagnant spécifiait que l'encaissement constituait un paiement final.

Il s'agit d'une question de faits et l'on doit démontrer les circonstances de l'encaissement.

Conclusion

… pour le créancier

Afin d'éviter toute ambigüité, il serait prudent pour le créancier qui reçoit un chèque ou une lettre portant la mention "Paiement Final", d'aviser le débiteur qu'il refuse ce chèque comme paiement final et de lui donner un délai raisonnable afin de placer un contrordre de paiement.

… pour le débiteur

De même, quant au débiteur qui transmet un tel chèque ou lettre, il doit s'assurer que non seulement la mention de paiement final soit claire, mais que la dette visée par ce paiement le soit également.


Dernière mise à jour : 24 janvier 2011.

Avis : L'information présentée ci-dessus est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant un ou des conseils ou avis juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, veuillez consulter un avocat ou un notaire.

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