Immigration au Canada : comment se retrouver | RJQ

L'immigration au Canada :
comment se retrouver dans le labyrinthe


Me Patricia R. Gamliel, avocate, Cabinet Dunton, Rainville, avocats, Montréal


Contenu



I. Introduction

La pandémie qui nous affecte tous, a, bien évidemment, affecté le côté procédural et le processus de l’immigration au Canada. Les politiques gouvernementales sous forme de décrets exécutifs gèrent, à l’heure actuelle,  les entrées au Canada et, de ce fait, aussi toute la panoplie de visas temporaires qui se doivent être jugés essentiels. A ces limites s’ajoutent des politiques changeantes des ministères impliqués dont certaines ne sont pas toujours divulguées au public.

Ainsi, plus que jamais, la législation canadienne en matière d'immigration s’avère être un cheminement complexe composé d’une Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés, du Règlement sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés et de directives ministérielles qui en dictent l'interprétation par les autorités gouvernementales, le tout sujet à de fréquents changements.

À ce labyrinthe se greffent les règlements propres aux différentes provinces canadiennes qui veulent, aussi, gérer la sélection des immigrants qui choisissent leur territoire pour s’y établir. En effet, nombre de ces provinces privilégient l’immigration de personnes qui s’intègrent à leur société en vivant, temporairement, sur leur territoire : Il s’agit, en général des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers. Le gouvernement fédéral soutient, d’ailleurs, cette approche.

Le tout est, encore et toujours, encadré du pouvoir discrétionnaire que la loi et les règlements accordent expressément aux agents d'immigration tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial.

De plus, comme de plus en plus de demandes d’immigration peuvent se faire en ligne et sont, donc, traitées par des agents quelque part, soit au Canada soit à l’étranger, il devient ardu de communiquer avec ces décisionnaires autrement que par un accès virtuel créé en ligne ou à travers des communications dans un système accessible par web, par courriel, ou par lettre. Encore faut-il savoir quel bureau est responsable du traitement de la demande.

Le but cet article est de tenter d'expliquer aussi brièvement et simplement que possible les règles générales qui s’appliquent en matière de sélection dans le cadre du processus d'immigration fédéral et provincial pour les différentes catégories de candidats: les candidats à la résidence temporaire (les visiteurs, les travailleurs, les étudiants, les aides familiales, les projets pilotes), les candidats à la résidence permanente (les travailleurs qualifiés, les membres de la famille, les gens d'affaires) et, succinctement, les réfugiés et la " catégorie désignée ".

Le lecteur est avisé que bien qu’il existe actuellement de nombreux programmes d’immigration gérés partiellement par nombre de provinces, nous ne traiterons, ici que les programmes provinciaux concernant les francophones.

II. Les programmes d'immigration applicables

      i) Les visiteurs: tourisme, affaires

      Le Canada a, comme bien d’autres pays, divisé les étrangers demandant l’entrée au Canada en deux catégories : Ceux qui doivent faire une demande formelle de visa de visiteur et ceux qui, s’ils n’ont pas à faire une telle demande formelle, doivent, tout de même, faire une demande formelle d’autorisation de voyage électronique (Ave).

      L'évaluation d'une demande de visa pour un visiteur fait droit à la discrétion de l'agent d'immigration fédéral qui traite la demande. Celui-ci doit être convaincu que le candidat est un véritable visiteur qui quittera le Canada à la fin de son séjour, au plus tard à la date d'expiration du visa émis. Il va sans dire qu’une demande de visa temporaire doit être accompagnée des preuves permettant à l’agent traitant la demande de rendre une décision éclairée.

      Il existe, aussi, un visa spécifiquement réservé aux parents et grands-parents qui désirent, sans immigrer, être autorisés à rendre visite à leurs enfants / petits-enfants plus de six mois à la fois jusqu’à une période de deux ans. Il est surnommé par le gouvernement fédéral un « supervisa » par sa longueur.

      Les restrictions dues à la pandémie COVID-19 : En temps de pandémie, la circulation vers le Canada est restreinte et le voyageur quelque soit le visa qu’il obtiendra devra s’assurer qu’il remplit toutes les autres obligations et obtient tout document imposés par les autorités canadiennes avant même d’acheter un billet d’avion.

      Cette recommandation vaut, aussi, pour les détenteurs d’autorisation de voyage électronique (AVe) pour les personnes non soumises à l’obtention d’un visa.

      ii) Les travailleurs temporaires

      Le fait d’être prêt à travailler et d’avoir une offre d’emploi au Canada ne suffit pas à déclencher le processus d’étude de la demande de permis de travail. Il faut d’abord démontrer au Ministère du développement des Ressources Humaines Canada – aussi connu sous le nom générique de  Service Canada - qu’il a été impossible à l’employeur de trouver un canadien ou un résident permanent pour occuper l’emploi offert, malgré les efforts raisonnables déployés pour en trouver un. C’est ce que l’on appelle le processus de “l’Étude de l’Impact sur le Marché du Travail ” (EIMT).

      Néanmoins, il faut noter qu’en ce qui concerne le Québec, il existe une exception à ce processus lorsque l’emploi est reconnu être en pénurie au Québec. Pour ces emplois, il sera possible de soumettre une demande sans faire la preuve que l’employeur n’a pu trouver un candidat. Si l’emploi est au Québec, cette province sera impliquée, conjointement avec Service Canada, dans le processus de l’EIMT et c’est une décision commune qui sera rendue.

      Une fois l’offre d’emploi est acceptée, une demande de permis de travail devra, alors, être soumise, en ligne. La famille (le/la conjoint/e ou époux/se ainsi que les enfant/s pourront faire partie de la demande).

      iii) Les étudiants

      L'inscription, et même l’admission à un programme scolaire à quelque niveau que ce soit, et dans quelque domaine que ce soit, ne garantissent pas l'obtention d'un permis d'étude. En effet, le candidat doit, entre autres, démontrer son habileté non seulement à payer les frais de scolarité requis, mais, surtout, son habileté à vivre au jour le jour à ses propres frais sans travailler et ce, malgré l’ouverture du gouvernement fédéral à ce que l’étudiant puisse travailler 20 heures par semaine pendant ses études.

      Encore une fois, l'agent qui traite la demande a une large discrétion pour décider si, selon sa balance des probabilités, le candidat a bien l'intention de faire des études ou si, au contraire, il ne cherche pas, plutôt, un moyen d'entrer au Canada pour d'autres raisons.

      Une fois ses études complétées, l’étudiant pourra demander et se voir octroyer un permis de travail « post diplôme » pour un an à trois ans dépendant du diplôme obtenu.

      iv) Les aides familiales

      Une aide familiale est une personne ayant la compétence nécessaire pour s'occuper d'enfants, de personnes handicapées, de personnes âgées ou de la maison.

      Encore une fois, il faut faire la preuve qu'il y a une offre d'emploi, mais la preuve que l'employeur a fait des efforts pour trouver un résident permanent ou un canadien pour occuper l'emploi sera moins fastidieuse bien que nécessaire. La personne choisie pour occuper cet emploi devra démontrer qu’elle a, soit un diplôme équivalent à un diplôme secondaire, soit avoir fait des études dans le domaine de son emploi et avoir, dans tous les cas, obtenu l’expérience requise.

    2) La résidence permanente

      i) Les travailleurs qualifiés

      Les programmes actuels s'appuient sur un système de points, plus clairs dans le programme du Québec que dans celui du programme Fédéral composé de trois sous-programmes.

      Tous accordent des points reliés au niveau d’études effectuées, à l’expérience d’emploi, à l’âge du candidat, à ses connaissances linguistiques en français et en anglais et, s’il y a lieu, du conjoint / de la conjointe.

      À l’heure actuelle, les demandes pour les travailleurs qualifiés se font, essentiellement, en ligne par la complétion de questions qui permettent de générer des points.  Au  Québec, le système « Arrima» permet de déposer une demande à la suite de laquelle, une invitation peut être lancée. Malheureusement, ce système, tel qu’appliqué fait que de très nombreux candidats attendent.

      Au fédéral, tous les quelques mois, une ronde d’invitations est lancée  pour les candidats ayant atteints un certain niveau de points dans les programmes mis en place soit :

      • les travailleurs qualifiés : il faut 67/100 points pour être admissible à ce programme;
      • les travailleurs de métiers spécialisés: métiers de l’électricité, de la construction, de l’industrie, d’entretien et opération d’équipement, superviseurs/superviseures et métiers techniques dans les ressources naturelles, agriculture et production, personnel de supervision dans la transformation, la fabrication et les services d’utilité publique, opérateurs/opératrices de poste central de contrôle, chefs et cuisiniers/cuisinières, bouchers/bouchères et boulangers-pâtissiers/boulangères-pâtissièress;
      • les travailleurs ayant une expérience canadienne à travers des études ou un emploi au Canada. Ces derniers sont, à l’heure actuelle, les premiers sélectionnés afin de combler la pénurie des emplois au Canada.

      ii) Les membres de la famille - Parrainage d'un parent

      Dans le cadre de la politique avouée du gouvernement canadien de permettre la réunion des familles, cette catégorie permet à un résident permanent ou canadien (appelé un garant) de parrainer certains des membres de sa famille, s’il s’engage à prendre en charge (couvrir les besoins essentiels en matière de logis et de nourriture) la ou les personne(s) parrainée(s) et démontre qu'il peut répondre à certaines exigences financières de base pour appuyer cet engagement.

      La législation applicable définit les membre de la famille qui peuvent être parrainés comme étant : père, mère, grands-parents, enfants mineurs ou enfants qui n’ont pas cessé d’être des personnes à charge parce qu’ils sont handicapés ou aux études. Il peut s’agir, aussi, d’un autre membre de la famille si celui-ci est le “dernier” membre de la famille resté à l’étranger ou s’il s’agit d’une personne qui répond de facto au terme parent (exemple, la tante âgée qui a toujours vécu chez les garants avant leur immigration).

      L'engagement en faveur des époux conjoint de fait ou partenaire conjugal est pour une période de trois (3) ans et pour les autres membres de la famille de dix (10) ans. La période d’engagement commence à courir à l’entrée au Canada du/des parrainé(s).

      Quant au programme d’immigration concernant les parents / grands-parents, il se fait sous forme d’une demande à être invité à faire une demande de parrainage. Ce programme s’ouvre environ une fois par an pour quelques semaines. Une forme de loterie fait que seules les demandes tirées au hasard font l’objet d’une invitation à demander l’immigration.

      iii ) Les gens d'affaires

      Ce sont des gens d’affaires pouvant démontrer qu’ils font partie du monde des affaires, qu’ils ont une solide expérience de gestion. Ils se divisent en trois catégories : les entrepreneurs, les travailleurs autonomes et les investisseurs.

        a) Les entrepreneurs

        Ils démontrent qu’ils sont prêts à immigrer avec l’intention ferme de créer et/ou de diriger une entreprise dans laquelle ils ont l’intention réelle d’investir financièrement. Cette intention implique qu'après leur entrée au Canada, ils se démarqueront dans l’économie canadienne en développant leur entreprise dans les  premières années de leur arrivée au Canada.

        b) Les travailleurs autonomes

        Ils démontrent qu'ils dirigent seuls leur entreprise (on pensera, par exemple, à un membre d’une profession libérale, un fermier, un athlète, un artiste). Ils doivent aussi démontrer qu'ils sont prêts à immigrer avec l’intention ferme de créer et/ou diriger leur entreprise, seuls, et d’y investir financièrement.

        c) Les investisseurs

        Ce programme permet à un homme d’affaires dont la valeur nette des biens accumulés provenant du fruit de leur travail, lui permet d’immigrer en investissant une somme. À noter que le programme n’est pas ouvert en ce moment.

    3) Les réfugiés et la catégorie désignée

      i) Les réfugiés:

      Ce sont des candidats qui sont dans une situation de détresse telle que définie par la Convention internationale de Genève dont le Canada est l'un des signataires et que le parlement canadien reconnaît comme applicable au droit interne. Leur demande de refuge est étudiée et décidée suite à une audition devant un tribunal administratif fédéral.

      Il faut savoir que selon la législation appliquée par le gouvernement canadien, une fois le long processus de reconnaissance du statut de refuge complété, le réfugié, même devenu résident permanent ne pourra, généralement, plus jamais retourner dans le pays duquel il a demandé le refuge. S’il le fait, le gouvernement du Canada tentera de lui faire retirer sa résidence permanente.

      ii) La catégorie désignée:

      Cette catégorie vise les candidats en détresse qui, pour des motifs de compassion ou pour des motifs humanitaires, peuvent être autorisés à immigrer qu’ils répondent ou non aux critères de sélection fédérale ou provinciale.

      L’étude de leur demande se fait en tenant compte de certains éléments particuliers à leur dossier comme le bien-être du candidat, sa famille au Canada (s’il y a lieu), son intégration accomplie à la société québécoise et/ou canadienne par ses activités et, le cas échéant, les menaces qui pèsent sur sa sécurité ou son bien-être s’il demeurait à l’étranger, sans pour cela entrer dans la catégorie du demandeur de refuge de la Convention de Genève.

III. Le pouvoir de sélection du Québec : l'Accord Québec-Canada

En vertu de l'Accord Québec-Canada, le Québec a le pouvoir de sélectionner ses propres candidats à l'immigration.

Ce pouvoir permet au ministre responsable, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur l'immigration du Québec, de modifier rapidement, par règlement, les règles de sélection en matière d'immigration au Québec et ce, sans recourir à une prépublication dans la Gazette officielle du Québec. En fait, l'objectif avoué du gouvernement du Québec est de sélectionner autant que possible des candidats qualifiés francophones. C’est dire combien l'expérience minimale de travail est essentielle et explique que le critère de formation soit examiné de près.

Enfin, une note : le gouvernement fédéral semble employer depuis peu, un programme d’intelligence artificielle connu sous le nom de « Shinook » pour traiter les dossiers ce qui peut amener à des dérapages dans les décisions.


Me Gamliel est membre en règle du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau Canadien, section immigration, division du Québec, dont elle a été la coordonnatrice de la formation permanente des avocats pendant quatre ans.

Elle a, par le passé, agit à titre d'avocat conseil en matière d'immigration pour le département des investisseurs immigrants de Merrill Lynch Canada au Québec, pour la banque CIBC et la Banque Royale du Canada.

Elle exerce aussi à titre d'avocat conseil en matière d'immigration pour différents organismes et communautés ethniques.

Elle est associée au sein du cabinet Dunton, Rainville, Avocats et Notaires

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Dernière mise à jour au 12 octobre 2021


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