Me Jade Faubert de l'étude Lalonde Geraghty Riendeau Avocats, inc, Québec
Pour alléger le texte le genre masculin est employé mais comprend le genre féminin.
Distinction entre mesures disciplinaires et non disciplinaires
Mesure non disciplinaire (administrative)
Interdiction de la double sanction
Le principe de proportionnalité
Niveau de responsabilités du travailleur
Obligation d'enquête équitable
Discipline et surveillance technologique
Disicipline et obligation d'accommodement
Harcèlement psychologique et excès disciplinaire
Il est fondamental de distinguer deux types de mesures qu’un employeur peut imposer à un salarié, à savoir :
Selon la nature de la situation, l’approche de l’employeur devra être différente tant dans la procédure que dans les mesures imposées au salarié.
Mesure non disciplinaire (administrative)
La mesure non disciplinaire s’applique lorsqu’un salarié démontre une incapacité objective à répondre aux exigences du poste, sans que l’on puisse parler de mauvaise volonté ou de négligence de sa part.
Avant d’envisager un congédiement administratif, l’employeur doit privilégier une gestion progressive des manquements, en s’assurant d’offrir au salarié des moyens réels de corriger sa performance en respectant les étapes suivantes :
La mesure disciplinaire est imposée lorsqu’un salarié a adopté un comportement volontairement fautif, en contravention avec ses obligations contractuelles ou les politiques internes de l’employeur.
Par exemple : retards injustifiés, insubordination, langage déplacé, usage de substances interdites au travail, refus d’effectuer des tâches ou encore non-respect des consignes de sécurité.
En règle générale, l’employeur est tenu de respecter le principe de la progression des sanctions :
Exception : Lorsqu’une politique de tolérance zéro est en place, connue du salarié, certaines fautes peuvent justifier une sanction plus sévère de manière immédiate, sans gradation, notamment lorsque le lien de confiance est irrémédiablement rompu.
Dans certains cas, la conduite reprochée ne peut être classée comme étant une situation purement disciplinaire ou non disciplinaire.
On parle alors d’une situation mixte, lorsqu’un comportement présente à la fois des caractéristiques fautives et non fautives. Cela peut survenir, par exemple, dans des cas d’absentéisme récurrent où certaines absences sont justifiées pour des motifs personnels sérieux, tandis que d’autres sont inexpliquées ou en contravention avec les politiques internes.
Dans un tel contexte, l’employeur doit faire preuve de prudence et procéder à une évaluation individualisée. Une documentation rigoureuse est essentielle afin de distinguer ce qui relève d’un manquement volontaire de ce qui découle d’une incapacité ou de circonstances atténuantes afin d’être en mesure d’imposer les bonnes mesures et/ou sanctions.
L’avis disciplinaire peut prendre une forme formelle ou informelle, mais il doit toujours faire l’objet d’une consignation écrite dans le dossier de l’employé, afin de démontrer que le salarié a été dûment informé de la problématique et mis en mesure de corriger son comportement.
Sont généralement reconnus comme des avis disciplinaires valides, les éléments suivants :
Un document peut avoir une portée disciplinaire même s’il ne porte pas expressément cette mention. Ce n’est pas le titre du document qui détermine sa valeur, mais son contenu et son objectif.
Note importante : Une communication non documentée, même si elle a bien eu lieu, risque de ne pas être considérée comme une étape valide dans la gradation des sanctions.
Une suspension disciplinaire implique le retrait temporaire du salarié sans rémunération. Sa durée doit être proportionnelle à la gravité de la faute.
En pratique, une suspension peut aller de 1 à 5 jours pour des fautes modérées. Une suspension plus longue peut être envisagée dans des cas plus sérieux, mais elle doit être pleinement justifiée par les circonstances. Au-delà d’un certain seuil, généralement 12 mois, une suspension pourrait être assimilée à un congédiement déguisé.
Le congédiement constitue la sanction la plus sévère à la disposition de l’employeur. Il met fin de façon définitive au lien d’emploi en raison d’un comportement jugé incompatible avec le maintien de la relation de travail.
En principe, cette mesure ne peut être imposée que si l’employeur a :
Un congédiement imposé de manière précipitée ou arbitraire, sans respect du processus disciplinaire, risque d’être annulé par les instances compétentes et peut donner lieu à une réintégration ou à une indemnisation.
L’employeur doit éviter de tolérer indûment des fautes en vue de les accumuler pour justifier un congédiement futur. Chaque manquement doit être traité de manière ponctuelle, le tout conformément au principe de la gradation des sanctions.
Exception : Dans certaines situations exceptionnelles, un congédiement peut être justifié dès la première faute, si celle-ci est suffisamment grave pour rompre de manière irréversible le lien de confiance essentiel à la relation d’emploi (ex. : vol, fraude, violence, abus d’autorité). Toutefois, la notion de « faute grave » est interprétée de manière restrictive par les tribunaux et doit reposer sur une preuve solide.
Interdiction à la double sanction
Conformément au principe d’équité et de bonne foi, un même manquement ne peut faire l’objet de deux sanctions disciplinaires distinctes.
Le principe de proportionnalité de la sanction
Toute mesure disciplinaire doit respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire que la sanction imposée doit être adaptée à la gravité réelle du manquement reproché.
Pour évaluer cette proportionnalité, l’employeur doit tenir compte notamment des éléments suivants :
Ces facteurs doivent être pondérés selon la vocation de l’entreprise et le niveau de responsabilités confié au salarié.
La nature et la mission de l’entreprise peuvent influencer l’évaluation de la gravité d’un comportement fautif. Un manquement qui pourrait sembler tolérable dans un secteur peut devenir inacceptable dans un autre, en raison des valeurs, de l’image publique ou des exigences spécifiques du milieu. Par exemple, la consommation de substances illicites en milieu de travail sera perçue avec une sévérité accrue dans un centre de réhabilitation pour personnes toxicomanes, où le comportement du personnel doit refléter la mission de soutien et d’exemplarité.
Niveau de responsabilités du salarié
Plus un salarié occupe un poste de responsabilité élevé, plus les exigences en matière de loyauté, de discrétion et de professionnalisme sont rigoureuses. Ainsi, une faute commise par un cadre ou un employé en position d’autorité, notamment une atteinte au devoir de loyauté ou à la confidentialité, peut justifier un congédiement immédiat, sans qu’il soit nécessaire de suivre la gradation habituelle des sanctions. En revanche, ce même manquement, s’il est commis par un salarié n’ayant pas de fonctions de gestion, pourrait requérir la mise en place de la gradation des sanctions généralement attendue.
Obligation d'enquête équitable
Avant de procéder à toute sanction disciplinaire, l’employeur doit impérativement :
Le non-respect de ces principes essentiels peut compromettre la validité de la sanction, même en présence d’une faute avérée.
Discipline et surveillance technologique
L’usage d’outils technologiques (caméras, GPS, courriels, enregistrements) pour constater des fautes commises par un salarié doit respecter :
Des preuves obtenues de façon abusive pourraient être inadmissibles.
Discipline et obligation d'accommodement
Lorsqu’un comportement fautif est possiblement lié à un handicap, une dépendance, ou un trouble de santé mentale, l’employeur doit :
Harcèlement psychologique et abus disciplinaire
Une utilisation abusive ou ciblée des mesures disciplinaires, sans justification objective, peut être perçue comme du harcèlement psychologique au sens de la Loi sur les normes du travail.
La discipline doit viser un objectif de correction, non d’humiliation ou de mise à l’écart.
Télétravail et cadre disciplinaire
Le télétravail n’exclut pas les obligations professionnelles. Toutefois, l’encadrement doit être adapté :
La gestion disciplinaire en milieu de travail exige rigueur, discernement et respect des principes d’équité. Avant d’imposer une sanction, l’employeur doit évaluer la nature du manquement, déterminer s’il s’agit d’une faute ou d’une incapacité, et appliquer les mesures de manière graduelle, documentée et objective. La transparence du processus, le respect des droits fondamentaux du salarié et l’adaptation aux réalités contemporaines (technologie, télétravail, santé mentale) sont désormais des exigences incontournables. Une approche structurée et humaine permettra de maintenir un climat de travail juste et durable, tout en protégeant les droits de chaque partie.
À jour au 28 juillet 2025
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