Votre premier appel public à l'épargne | Réseau juridique

Votre premier appel public à l'épargne... Questions et considérations


AVIS AUX LECTEURS


Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.

L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.



Me André Roy, avocat, Stikeman Elliott, Montréal


Table des matières

Introduction

Le profil nécessaire

Transformation en société ouverte

    Avantages
    Autres considérations
    Le choix du situs: au Québec, au Canada ou aux États-Unis
    Blockage des titres
    Régime d'épagne-actions du Québec

Préparation de l'appel public à l'épargne

    Établissement des états financiers vérifiés
    Mise sur pied de systèmes d'information appropriés
    Élaboration d'un plan d'entreprise
    Sélection de divers conseillers
    Création d'une image corporative
    Sélection d'un courtier
    Structure de l'entreprise
    Administrateurs externes
    Établissement et révision de contrat et régimes d'options d'achat d'actions

Le processus associé au prospectus

    Préparation du prospectus
    L'information financière requise
    L'obtention du visa des Commissions
    Obligation de diligence et responsabilité civile
    Contrat avec les courtiers

Inscription en bourse

Obligations d'information continue

    Notice annuelle et analyse par la direction de la situation financière et des résultats d'exploitation
    Obligations en matière d'information financière
    Exigences des bourses
    Actionnaires: assemblées, communications et documents de procuration
    Transactions d'initiés / Déclaration des initiés

Conclusion


INTRODUCTION

Ce document s'adresse aux entreprises et aux entrepreneurs qui désirent obtenir des renseignements préliminaires sur le processus relié à un premier appel public à l'épargne.

Comme vous le savez, ce processus nécessite généralement le dépôt d'un prospectus auprès des autorités réglementaires au Québec et à travers le Canada et le respect des lois applicables dans chacune des provinces et territoires du Canada.

Le présent texte fera l'examen principalement de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec) et des Règles de la Bourse de Montréal. Certaines distinctions avec la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) sont soulignées dans certains cas. Les lois des autres provinces sont similaires ou moins exigeantes dans certains cas que celles du Québec ou de l'Ontario.

LE PROFIL NÉCESSAIRE

Certaines conditions doivent être respectées pour qu'une entreprise puisse compléter un premier appel public à l'épargne:

  • l'entreprise doit avoir une forte croissance au niveau des ventes et des profits;
  • l'entreprise doit avoir une stratégie d'expansion agressive;
  • elle doit être dirigée par un management efficace et avoir une saine structure financière;
  • l'entreprise doit se comparer avantageusement aux autres compagnies de son industrie;
  • l'entreprise doit oeuvrer dans une industrie recherchée par les investisseurs, par exemple, en 1995, les entreprises de haute technologie;
  • l'utilisation du produit de l'émission doit présenter des perspectives intéressantes pour l'entreprise; les investisseurs ne recherchent pas des entreprises où le produit de l'émission servira au remboursement de la totalité ou d'une partie de la dette à long terme ou d'un actionnaire;
  • la taille de l'entreprise est un critère très important. Selon certains courtiers en valeurs, une émission, pour atteindre une certaine liquidité et générer un intérêt suffisant, doit avoir une taille supérieure à 10 millions de dollars. Par conséquent, la valeur de l'entreprise devra supporter cette dilution entre les mains du public.

TRANSFORMATION EN SOCIÉTÉ OUVERTE

Avantages

L'appel public à l'épargne peut présenter les avantages suivants :

  • l'augmentation de la valeur de l'entreprise par l'élimination de l'escompte de société privée;
  • une certaine flexibilité pour les actionnaires fondateurs qui peut les aider à diversifier leur portefeuille d'investissement et à faciliter leur planification financière, fiscale et successorale;
  • un meilleur accès à une gamme étendue de véhicules et de marchés financiers, notamment les actions ordinaires supplémentaires, les obligations convertibles, les actions privilégiées convertibles et les émissions de droits de souscription aux actionnaires existants et à d'autres personnes;
  • faciliter les fusions et les acquisitions en permettant de réunir des fonds par la vente d'actions additionnelles et par l'émission directe d'actions, ce qui augmente la flexibilité et permet de bénéficier de roulements fiscaux;
  • de meilleures possibilités de rémunération pour la direction et pour les employés (grâce à des régimes d'option sur titres ou autres régimes d'intéressement);
  • une plus grande visibilité de l'entreprise, qui lui permet d'être plus présente dans la collectivité et d'améliorer ses liens avec sa clientèle et ses fournisseurs.

Autres considérations

Il faut examiner un certain nombre d'autres facteurs avant de prendre la décision de faire appel public à l'épargne :

  • les frais initiaux importants, y compris les honoraires des conseillers juridiques et des experts-comptables, la rémunération des courtiers, les frais de dépôt à la Commission des valeurs mobilières du Québec (la CVMQ), les coûts de traduction si le placement est effectué au Québec, les honoraires des agents des transferts et agents chargés de la tenue des registres, les coûts d'impression et les frais d'inscription à la bourse. Outre la rémunération des courtiers (représentant généralement 5 à 8 % du produit de l'émission), les autres frais peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars;
  • le temps et les efforts que la direction devra consacrer à la réalisation d'un premier appel public à l'épargne et par la suite pour voir à des questions telles que les réunions du conseil d'administration, le comité de vérification et les administrateurs externes, les assemblées des actionnaires, la conformité avec les exigences des lois sur les valeurs mobilières et des bourses, les discussions avec les analystes et les journalistes, les systèmes comptables et les obligations d'information financière détaillées ou complexes, etc.;
  • les déboursés annuels importants, notamment au niveau des frais légaux, réglementaires, de vérification, de communication et d'impression;
  • le risque de perte de contrôle par les actionnaires majoritaires;
  • le partage de la réussite avec les nouveaux actionnaires;
  • la perte de confidentialité en raison des obligations d'information rattachées au prospectus initial, des obligations d'information financière périodique et des autres obligations d'information continue, ex.: la divulgation de la rémunération des cinq plus hauts salariés;
  • la perte éventuelle d'autonomie en raison des exigences réglementaires, notamment les nouvelles exigences relatives aux opérations avec une personne reliée et aux conflits d'intérêts prévues à l'Instruction générale no Q-27;
  • la responsabilité et les devoirs des dirigeants envers le public actionnaire qui peuvent contraindre les entreprises à mener leurs affaires de façon plus rigide et entraîner des pressions quant au rendement à court terme et aux dividendes;
  • les restrictions sur la capacité des actionnaires principaux d'aliéner leurs actions de la société aussi bien au moment du parachèvement du premier appel public à l'épargne que par la suite, ainsi que les questions de transactions d'initiés;
  • les risques associés aux fluctuations du marché boursier, qui entraînent des évaluations à la baisse de la société par les créanciers, les fournisseurs et d'autres intervenants, peuvent nuire à la société et le fait d'être en évidence, dans des contextes de réglementation, d'environnement, de litiges et de passif éventuel, peut mener à une publicité non sollicitée et nuire à la réputation de la société et à ses liens avec la collectivité, les clients, les fournisseurs.

Le choix du situs : au Québec, au Canada ou aux États-Unis

Au cours des années 1980, certaines entreprises québécoises, principalement à cause de la popularité du Régime d'épargne-actions du Québec (le RÉAQ), ont choisi de devenir un émetteur assujetti au Québec seulement. La majorité des émetteurs ont choisi par contre de diversifier leur distribution et de devenir émetteur assujetti à travers le Canada.

Aujourd'hui, vu la diminution de l'importance du RÉAQ parmi les investisseurs québécois (plusieurs émetteurs ne se qualifiant plus), le choix se situe plutôt au niveau d'un placement pan-canadien ou un placement aux États-Unis d'Amérique.

Depuis 1994, plusieurs sociétés dans le domaine de la haute technologie ont choisi de faire leur appel public à l'épargne aux États-Unis principalement à cause des multiples plus intéressants dans ce pays par rapport à ceux offerts sur le marché canadien.

Certains facteurs peuvent déterminer l'endroit le plus opportun de procéder à l'appel public à l'épargne. Ces facteurs sont: la nature des activités de l'entreprise et le marché principal des produits ou des services de l'entreprise. Beaucoup d'entreprises québécoises exportent et vendent la majorité de leur production aux États-Unis d'Amérique. Il est alors opportun d'envisager d'aller public aux États-Unis.

Bien que le but de cet exposé n'est pas de faire l'examen des règles applicables à un appel public aux États-Unis, il suffira de mentionner que le marché américain offrira, de façon générale, de multiples plus élevés et par conséquent une valeur de l'entreprise plus élevée. Par contre, l'environnement américain est plus litigieux et les frais et déboursés d'une telle opération sont sensiblement plus élevés qu'au Canada. Finalement, le support fourni par les courtiers des titres d'une entreprise sur le marché canadien est souvent plus soutenu que celui offert par les courtiers américains de sorte que le cours des titres cotés sur les marchés américains peuvent varier de façon plus significative que ceux cotés sur nos marchés canadiens.

Nous vous recommandons de discuter de ce point avec plusieurs intervenants dans le marché afin d'en connaître tous les tenants et aboutissants d'un placement aux États-Unis par rapport à un placement au Canada.

Blocage de titres

Un autre aspect important d'un premier appel public à l'épargne est le blocage des titres de certains actionnaires, généralement les actionnaires qui sont des dirigeants détenant plus de 5 % des actions de participation ou des actionnaires détenant plus de 10 % des actions de participation de l'entreprise. Les points importants sont les suivants:

  • les commissions des valeurs mobilières (les Commissions) et les bourses obligent ces actionnaires d'une société à apporter un minimum de capitaux propres, limitent le nombre d'actions ou de droits de souscription d'actions pouvant être émis avant le premier appel public à l'épargne et les obligent à bloquer une partie de leurs actions auprès d'un tiers indépendant à certaines conditions et pendant un certain temps après l'appel public à l'épargne pouvant aller jusqu'à cinq ans après l'émission. On impose parfois (habituellement aux émetteurs du secteur des ressources naturelles) des conditions de libération basées sur le rendement plutôt que sur le temps; la société doit atteindre des objectifs spécifiques si elle veut éviter l'annulation des actions bloquées;
  • les exigences de blocage des Commissions et des bourses s'appliquent généralement au moment du dépôt du premier prospectus. Le nombre d'actions à bloquer dépend en partie de la valeur corporelle nette par action. En plus d'obliger les actionnaires principaux à conserver une partie de leurs placements dans le cas d'un premier appel public à l'épargne, ces dispositions de blocage peuvent servir à limiter l'importance des ventes par les actionnaires sur le marché secondaire puisqu'elles obligent les vendeurs à conserver une participation dans la société;
  • lorsque des calculs faits conformément aux instructions générales et aux règles indiquent que le nombre de titres à bloquer dépasse 70 % du nombre d'actions en circulation après le placement par voie de prospectus, les Commissions exigeront habituellement que l'excédent soit annulé ou que le prix de souscription soit réduit;
  • il est avantageux d'étudier soigneusement les exigences de blocage des Commissions et des bourses afin de déterminer lesquelles sont les plus avantageuses, puisque dans certains cas, comme par exemple en Ontario, on permet à l'émetteur de choisir en vertu desquelles exigences il veut s'assujettir, à savoir ceux établis par la CVMO ou la Bourse de Toronto. Nonobstant ce choix, cet émetteur devra respecter les règles établies dans les autres juridictions où il aura déposé son prospectus, comme par exemple le Québec.;
  • les courtiers peuvent aussi obliger les actionnaires principaux à bloquer une partie de leurs actions (habituellement pour une période allant jusqu'à un an) et obliger la société à ne pas émettre d'actions supplémentaires sans le consentement préalable des courtiers pendant un certain temps (habituellement 90 jours à un an). De plus, toutes les actions détenues par des actionnaires existants autres que des actions vendues par les personnes participant à un placement secondaire sont généralement assujetties à des restrictions de revente pendant 12 mois à compter de la date du prospectus définitif.

Régime d'épargne actions du Québec (RÉAQ)

Depuis les années 1990, le RÉAQ n'est plus un facteur aussi déterminant lors d'un premier appel public à l'épargne. Cependant, il demeure un facteur important pour toute société québécoise qui s'y qualifie. Vous trouverez ci-dessous les grandes lignes des règles prévues dans la Loi sur les impôts (Québec) (la Loi) afin que les actions d'une société se qualifient suivant le RÉAQ.

1. L'entreprise doit être une corporation admissible

Pour être une corporation admissible, l'entreprise doit, à la date du visa du prospectus définitif émis par la Commission des valeurs mobilières du Québec relativement à son premier appel public à l'épargne :

  • être une corporation canadienne au sens de la Loi, et avoir son siège social au Québec;
  • le montant de son actif doit être inférieur à 250 000 000 $, tel que calculé d'après la Loi;
  • sa direction générale doit s'exercer au Québec et plus de la moitié des salaires versés à ses employés au sens des règlements adoptés en vertu de la Loi, au cours de sa dernière année d'imposition, doivent être à des employés d'un établissement au Québec;
  • pas plus de 50 % de la valeur de ses biens, à l'exception de certains biens visés par la Loi, tel qu'indiqué aux états financiers soumis à ses actionnaires pour sa dernière année d'imposition terminée avant la date du visa du prospectus définitif, doit être constitué d'actions, de parts, de billets, de débentures, d'obligations, de tout autre titre de créances, de certificats de placements garantis, d'unités d'une fiducie de fonds mutuels, d'unités qui représentent une parti indivise dans un projet ou un bien, de droits de souscription ou d'achat de telles actions qui ne sont pas des biens décrits à la Loi ou d'argent en caisse ou en dépôt; et
  • l'entreprise doit avoir eu tout au long de la période de 12 mois précédant la date du visa du prospectus définitif au moins 5 employés à plein temps qui n'étaient pas des initiés au sens de l'article 89 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., chapitre V-1.1) ou des personnes qui leur sont liées.

2. L'entreprise est-elle une corporation en croissance

Pour être une corporation en croissance et bénéficier de la déduction maximale de 100 % permise par la Loi, l'entreprise, à la date du visa dudit prospectus définitif :

  • doit avoir son siège social au Québec;
  • doit exploiter, comme activité principale, une entreprise admissible;
  • tel que mentionné au paragraphe 1, elle doit avoir eu, tout au long des 12 mois précédant la date du prospectus définitif, cinq employés qui n'étaient pas des initiés ou des personnes liées à des initiés, tel que cette expression est définie à la Loi sur les valeurs mobilières;
  • le montant de son actif doit être inférieur à [100 000 000 $], tel que calculé d'après la Loi;
  • doit avoir un actif supérieur à 2 000 000 $, tel que calculé d'après la Loi;
  • elle ne doit pas être une corporation issue d'une fusion ayant eu lieu au cours des 365 jours précédant la date du visa du prospectus définitif.

3. Les titres visés par le placement sont-ils des "actions admissibles"

Pour être des actions admissibles au sens de la Loi, les principales conditions sont les suivantes:

  • les titres seront des actions ordinaires à droit de vote en toutes circonstances;
  • en vertu des conditions relatives à leur émission, les actions ordinaires ne pourront, en totalité ou en partie, être achetées par quiconque, de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, ou faire l'objet d'une opération qui aurait pour effet soit de rendre les actions ordinaires, une action substituée à une action ordinaire, en totalité ou en partie, rachetable par l'émetteur ou achetable par quiconque, de quelque façon que ce soit, soit directement ou indirectement;
  • elles ne pourront, en vertu des conditions relatives à leur émission, donner droit à un dividende qui fait ou fera l'objet d'un engagement à l'effet qu'une personne autre que l'émetteur garantit le paiement de ce dividende;
  • les actions ordinaires nouvellement émises par l'émetteur seront acquises à prix d'argent, dans le cadre d'une émission publique d'actions, par un particulier, un fonds d'investissement ou un groupe d'investissement qui en est le premier acquéreur, autre qu'un courtier agissant en sa qualité d'intermédiaire ou de preneur ferme;
  • les actions ordinaires auront été entièrement souscrites et payées en espèces;
  • les actions ordinaires de l'émetteur seront inscrites à la cote de la Bourse de Montréal dans les 60 jours de l'émission publique.

4. Déductions

Le particulier (autre qu'une fiducie), qui est résident du Québec le dernier jour de l'année d'imposition aura le droit de déduire, dans le calcul de son revenu imposable aux fins de l'impôt sur le revenu du Québec pour cette année d'imposition, 75% du coût d'acquisition (sans tenir compte des frais d'emprunt, de courtage, de dépôt et autres frais connexes) de ses actions ordinaires nouvellement acquises et incluses dans un RÉAQ avant le 28 ou 29 février de l'année suivante.

Cette déduction passe à 100% du coût d'acquisition pour des actions ordinaires émises par une corporation en croissance.

5. Décision anticipée

Afin de se qualifier aux RÉAQ, l'émetteur doit faire parvenir une demande de décision anticipée auprès du Ministre des finances avant le dépôt du prospectus provisoire et obtenir une décision anticipée au moment du dépôt du prospectus final.

PRÉPARATION DE L'APPEL PUBLIC À L'ÉPARGNE

Il existe un certain nombre de questions, décrites ci-dessous, auxquelles on doit s'attarder dans le cadre d'une décision de faire appel public à l'épargne. En se penchant sur ces questions à l'avance, quand la société est encore fermée, on économise à long terme énormément de temps, d'argent et d'efforts. Certaines des questions énumérées ci-dessous nécessitent l'approbation des actionnaires et peuvent être traitées une fois que la société est devenue ouverte.

Établissement des états financiers vérifiés

Un prospectus doit généralement comporter l'état des résultats, l'état des bénéfices non répartis et l'état de l'évolution de la situation financière pour cinq exercices. Ces états doivent être établis conformément aux principes comptables et aux normes de vérification généralement reconnus au Canada.

La préparation d'états financiers répondant à ces exigences au cours des exercices qui précèdent la décision de faire appel public à l'épargne évite d'avoir à refaire plus tard des états financiers pour cinq exercices et à les faire vérifier.

Les vérificateurs devraient idéalement être ceux dont les services seront retenus lorsque l'entreprise sera une société ouverte.

Mise sur pied de systèmes d'information appropriés

Les systèmes d'information maison habituellement utilisés par les sociétés fermées ne conviendront pas à une société ouverte.

Des systèmes et des procédures appropriés pour répondre aux obligations en matière d'information financière d'une société ouverte doivent être conçus et mis sur pied avant l'appel public à l'épargne.

Élaboration d'un plan d'entreprise

Un plan d'entreprise préparé longtemps avant la transformation en société ouverte peut s'avérer utile pour établir des contacts avec des courtiers éventuels et pour obtenir d'autres types de financement. Il peut aussi servir d'outil de gestion et d'ébauche à certaines parties du prospectus.

Le plan d'entreprise peut comprendre une description des activités, une analyse du marché de la société, une description de ses produits, de sa stratégie, de la structure de sa direction, de l'information financière et une description de ses besoins financiers.

Sélection de divers conseillers

Le recours à un cabinet comptable (à un associé en vérification) connaissant le domaine des valeurs mobilières facilite le processus du placement et peut réduire le temps que les avocats doivent consacrer aux questions comptables relatives au prospectus.

La participation des vérificateurs dès les premières étapes peut faciliter le choix de faire l'appel public à l'épargne, notamment en ce qui a trait à l'évaluation des avantages et des désavantages d'une telle démarche ainsi qu'aux considérations portant sur les autres sources de financement.

Les vérificateurs peuvent aussi participer à la mise sur pied de systèmes d'information.

Le cabinet juridique retenu jouera un rôle prépondérant au chapitre de la préparation du prospectus et des autres questions relatives à l'appel public à l'épargne. En raison de l'étendue du rôle des conseillers juridiques, il vaut mieux avoir recours à un cabinet habitué aux appels publics à l'épargne et qui dispose d'une grande expérience des valeurs mobilières.

Dans le cas d'une société fermée inconnue des analystes financiers, le recours à un cabinet de relations publiques spécialisé en finances peut faciliter l'établissement de l'image de l'entreprise ainsi que la préparation de la tournée de promotion.

Création d'une image de l'entreprise

Il faut doter la société d'une image convenable pour une société ouverte qui représentera fidèlement l'état des affaires de la société.

Ceci doit être fait avec circonspection et, en grande partie, bien avant la transformation en société ouverte, en raison des interdictions de stimuler artificiellement le marché en prévision d'un appel public à l'épargne.

Il faut penser au classement industriel possible de la société (par ex. selon le type dominant de clients, la technologie utilisée, la nature des produits) et à la façon dont les investisseurs évaluent les différentes industries.

Il faut aussi penser à rédiger une brochure sur l'entreprise et à inclure les analystes en placements ainsi que la presse d'affaires sur les listes d'envoi des bulletins d'information. Bien qu'une société fermée puisse mener ses affaires sous le sceau de la confidentialité, rien ne l'oblige à le faire.

Sélection d'un courtier

Avant d'entreprendre la transformation en société ouverte, il peut être utile d'établir une relation avec un ou plusieurs courtiers en valeurs mobilières, notamment pour examiner d'autres méthodes de financement.

On doit tenir compte des facteurs suivants dans l'évaluation d'un courtier, et particulièrement d'un chef de file, pour un placement précis:

  • la réputation du courtier, surtout lorsque l'émetteur est inconnu; celle-ci peut revêtir une grande importance aux yeux des investisseurs potentiels de même que pour les autres courtiers qui pourraient être invités à faire partie d'un syndicat financier ou d'un syndicat de placement pour vendre les titres;
  • le courtier doit disposer de réseaux de distribution adéquats aussi bien pour la vente du nombre requis d'actions que pour leur vente à un bassin d'investisseurs suffisamment vaste. Il faut choisir un courtier dont la spécialisation au chapitre de la clientèle, à savoir les particuliers ou les institutions, reflète la base d'actionnaires recherchés par la société;
  • il faut tenir compte du champ de spécialisation du courtier dans une industrie particulière, quoique ceci soit sans doute plus pertinent aux États-Unis;
  • le courtier doit disposer d'un service de recherche pouvant et voulant servir l'entreprise lorsqu'elle sera une société ouverte;
  • il peut s'avérer utile d'établir une relation avec un courtier qui serait en mesure de fournir à la société d'autres services consultatifs financiers;
  • l'importance et l'envergure régionale, nationale ou internationale du placement peuvent aussi influencer le choix de courtiers;
  • on doit s'assurer que le courtier respectera les règles de conflit d'intérêts prévues par les lois sur les valeurs mobilières quant à son pourcentage de participation dans une prise ferme;
  • il est coutume d'inviter 3 ou 4 courtiers à faire des présentations écrites à la société. Ces présentations écrites proposent un ou plusieurs types de placements pour l'entreprise, établissent la valeur de l'entreprise et la méthode d'évaluation utilisée, la taille projetée de l'émission, les entreprises comparables dans l'industrie au Canada et aux États-Unis ainsi que leurs valeurs respectives, une fourchette établissant la commission du courtier et une description des frais à être assumés par les courtiers;
  • on peut communiquer avec d'autres clients d'un courtier éventuel pour faciliter l'évaluation de ces facteurs.

Structure de l'entreprise

Au lieu de transformer la totalité d'un groupe en une société ouverte, il peut être souhaitable de se restreindre à certaines de ses unités opérationnelles. La décision peut dépendre en partie du rendement financier historique et des perspectives de croissance des différentes unités, et de l'opinion qu'ont les marchés financiers des différentes industries dans lesquelles elles évoluent. À cet effet, il peut s'avérer souhaitable de restructurer la société ou de transférer des éléments d'actif entre les unités du groupe. Le transfert d'éléments d'actif pourrait nécessiter une évaluation par des tiers indépendants.

La société ouverte doit être une entité autonome viable; elle doit exercer ses activités sans l'aide des sociétés fermées du groupe.

Il faut tenir compte des conséquences fiscales et comptables de la transformation en société ouverte d'une société de portefeuille ou d'une autre unité. Si la structure d'une société fermée a été établie à des fins fiscales, une restructuration peut s'avérer nécessaire pour créer une société ouverte appropriée.

Bien que cela soit devenu moins important au cours des dernières années en raison des changements aux lois en cause, certains investisseurs institutionnels sont en général restreints à l'achat de titres (des " valeurs de premier ordre ") qui répondent à certains critères. Il peut être très intéressant pour une société ouverte d'émettre des titres qui sont des valeurs de premier ordre et donc admissibles aux fins de placements pour ces investisseurs. On peut acheter une société inactive qui réponde à ces critères.

Si, par le passé, les actionnaires d'une société fermée n'ont pas, ou à peu près pas, touché de bénéfices, il y aurait sans doute lieu de leur verser un dividende important avant l'appel public à l'épargne. Ceci peut se faire au moyen d'un endettement raisonnable.

Il peut être souhaitable de régler les prêts et les emprunts des actionnaires ou de la direction avant l'appel public à l'épargne.

Il peut aussi être souhaitable d'autoriser la création de catégories supplémentaires d'actions (comme des actions privilégiées), même si on ne prévoit pas émettre d'actions d'autres catégories dans un avenir rapproché.

Les articles et les règlements de la société doivent être révisés pour en vérifier la pertinence pour une société ouverte.

Administrateurs externes

On doit nommer des administrateurs externes, i.e. ni employé, ni dirigeant de l'entreprise ou d'une filiale, qui seraient jugés acceptables par les investisseurs éventuels. Une assurance-responsabilité à l'intention des administrateurs et des dirigeants peut aussi s'avérer nécessaire.

Des comités de rémunération et de vérification peuvent être constitués. Chacun doit comprendre une majorité d'administrateurs externes.

Outre les exigences minimales prévues dans les lois corporatives, les règles des Bourses de Montréal et de Toronto prévoient que toute société canadienne inscrite à l'une ou l'autre de ces bourses doit divulguer ses propres règles de régie interne et les comparer à celles adoptées par les Bourses.

Une de ces règles prévoit que le conseil d'administration doit être composé d'une majorité d'administrateurs non reliés, i.e. indépendant de la direction ou du management de la société.

Établissement et révision de contrats et régimes d'options d'achat d'actions

Certain contrats devront être rédigés et d'autres révisés :

  • une société dont les activités reposent sur l'innovation ou sur des compétences technologiques peut exiger la conclusion d'ententes de non-divulgation et d'autres ententes avec certains employés;
  • il faut songer à conclure des contrats d'emploi avec certains employés pour consigner par écrit les détails de leur rémunération;
  • s'il doit y avoir une relation d'affaires continue entre la nouvelle société ouverte et les sociétés qui lui sont reliées, il devrait y avoir avec chacune d'entre elles des contrats écrits à cet effet. Le processus d'approbation est considérablement simplifié lorsqu'on procède de cette façon avant l'appel public à l'épargne;
  • il faut aussi songer à revoir certains contrats d'approvisionnement, de vente, de location ou de prêt, ainsi que des contrats avec ou entre les actionnaires afin de s'assurer qu'ils soient compatibles avec les intérêts et obligations d'une société ouverte. Par exemple, les dispositions sur le rachat d'actions entre les principaux actionnaires pourraient devoir être révisées afin d'éviter qu'elles déclenchent par inadvertance l'obligation de présenter une offre publique d'achat à tous les actionnaires;
  • l'approbation d'un régime d'options d'achat d'actions par les actionnaires est facilitée lorsque ce régime est créé avant l'appel public à l'épargne, bien que les bourses de Montréal et de Toronto se réservent le droit de s'opposer à la fixation du prix d'options qui sont accordées au moment de l'appel public à l'épargne. De plus, les règles de ces Bourses devront alors être observées au moment de l'appel public à l'épargne.

SUITE...


Avis. L'information présentée ici est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant des conseils juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, vous devriez consulter un avocat.

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