Le Réseau juridique du Québec : Le patrimoine familial

Le patrimoine familial


Extrait de Vous et la vie à deux, écrit par Me Lise Giard et publié par Édibec inc.

Mis à jour par Me Sandra Haoui , avocate, BGH Avocats, Saint-Jérôme

Reproduit avec l'autorisation de Édibec inc.

Contenu


Introduction

Avant le mariage, les futurs époux ont la possibilité de faire un contrat de mariage. Ce dernier doit être notarié. Les personnes souhaitant s’unir civilement peuvent aussi faire un contrat d’union civile, devant notaire, au même effet. Advenant qu’aucun contrat de mariage ou d’union civile n’a été réalisé préalablement au mariage ou à l’union civile, le régime matrimonial sera automatiquement celui de la société d’acquêts.

Toutefois les biens les plus importants dont vous profitez pendant le mariage font bande à part. Il s'agit des biens qui font partie du "patrimoine familial".

En effet, si vous décidiez de mettre fin à votre union de manière formelle (jugement), ou si l'un d'entre vous décédait, la valeur des biens compris dans le patrimoine familial serait partagée selon des règles particulières. Ces règles diminuent l'impact du régime matrimonial choisi.

L’application de la notion de patrimoine familial, avant même l’application du régime matrimonial, a  pour but premier de protéger le conjoint risquant de se retrouver économiquement désavantagé à la fin de l'union. Par exemple, si on n’appliquait pas la séparation du patrimoine en premier lieu, le conjoint marié sous le régime de la séparation de biens et qui renonce à exercer une carrière pour se consacrer à l'éducation des enfants pourrait se retrouver, lors de la rupture ou du décès de son conjoint, avec fort peu de biens, n’ayant pas eu la possibilité de générer de revenus durant l’union pour acquérir la propriété de ces derniers.

Les dispositions relatives au patrimoine familial ont vu le jour le 1er juillet 1989. Ceux-ci sont prévus aux articles 414 à 426 C.c.Q. et sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible pour les époux de se soustraire ou même renoncer à l’avance à l’application de ses règles donc vous ne pouvez pas, par exemple, convenir à l'avance avec votre conjoint qu'en cas de rupture, vos biens qui font partie du patrimoine familial ne seront pas partagés.

Vous pouvez toutefois, au moment du mariage, prendre certaines précautions en vue de faciliter le partage. Par exemple, vous pouvez tenir une liste détaillée des biens qui appartenaient à chacun des époux au moment du mariage et y inscrire la valeur nette de chacun d’eux à ce moment. Vous pouvez également planifier la gestion de vos biens pendant le mariage de façon à en minimiser, si vous le désirez, les effets.

Attention : Le patrimoine familial s’applique uniquement aux couples mariés et unis civilement et donc ne s'applique PAS aux conjoints de fait. Les gens qui vivent ensemble, sans être marié ou unis civilement, peu importe la durée de la vie commune et sans égard au fait qu’ils aient, ou non des enfants issus de cette union, ne sont pas soumis à un partage du patrimoine familial au moment de la rupture ou du décès. Cette règle a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans un jugement rendu le 25 janvier 2013 (A c. B., la cause étant connue du grand public au Québec comme étant « Éric c. Lola »). Cependant, les conjoints de fait peuvent, par convention notariée, prévoir la création d’un patrimoine familial.

Les biens inclus dans le patrimoine familial (articles 414, 415 CcQ)

Le patrimoine familial est constitué de quatre grandes catégories de biens dont l’un ou l’autre des époux est propriétaire.

Les biens suivants font partie du patrimoine familial :

  • les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage;
  • les meubles qui garnissent ces résidences et qui servent à l'usage de la famille;
  • les véhicules automobiles qui servent aux déplacements de la famille;
  • les régimes de retraite et les droits accumulés dans le Régime des rentes du Québec (RRQ) ou de programmes équivalents, dont le Régime de pensions du Canada (RPC) 
  • Important. Les biens énumérés précédemment doivent être la propriété d’un des conjoints. En effet, un bien loué ne correspond pas à un bien du patrimoine familial, même s’il est utilisé par la famille.
    Aussi, certains biens seront inclus dans le patrimoine familial sans égard à celui des deux qui détient un droit de propriété sur ces biens ou leur date d’acquisition. Par exemple, si un des deux époux possédait une maison avant le mariage qui devient par la suite la résidence familiale, cette maison sera incluse dans le patrimoine familial.

De plus, il est à noter que pendant le mariage, le conjoint propriétaire d'un bien du patrimoine familial prend toutes les décisions relatives à celui-ci, dans les limites permises par le régime matrimonial choisi, et sous réserve des restrictions concernant la résidence principale et ses meubles.

Les biens exclus du patrimoine familial (article 415 CcQ)

Certains biens sont expressément exclus du patrimoine familial, lesquels sont les suivants :

  • Les gains inscrits au nom de chaque époux en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes équivalents si la dissolution du mariage résulte du décès;
  • Les droits accumulés au titre d’un régime de retraite qui accorde au conjoint survivant le droit à des prestations de décès si la dissolution du mariage résulte du décès;
  • Les biens échus à l’un des époux par succession ou donation avant ou pendant le mariage

Important. La donation doit provenir d’un tiers, car une donation entre époux n’est pas exclue.

Ensuite, tous les autres biens qui ne sont pas expressément désignés par le Code civil du Québec comme faisant partie du patrimoine familial en sont exclus. Par exemple, les biens suivants ne font pas partie du patrimoine familial :

  • l'argent, les comptes en banque;
  • les obligations d'épargne, les bons du trésor, les actions et autres placements;
  • les entreprises, les commerces;
  • les immeubles à revenus, à l'exception de la partie utilisée par la famille, le cas échéant.

Les résidences

Toutes les résidences qui servent à héberger votre famille, et dont vous et/ou votre conjoint êtes propriétaires font partie du patrimoine familial. La condition principale pour qu’une résidence fasse partie du patrimoine familial étant que celle-ci conserve une vocation familiale.

Il peut s'agir de la résidence principale, du chalet à la campagne ou du condominium en Floride, pourvu qu'ils servent à la famille. Le camp de chasse utilisé par un seul des conjoints chaque automne, par exemple, ne fait pas partie du patrimoine familial parce qu'il n'est pas utilisé par la famille. Tout comme un chalet qui devient un investissement et qui est loué de façon presque continue peut lui faire perdre son statut de résidence familiale.

À noter. Les tribunaux ont décidé à quelques reprises qu'un bateau pouvait être considéré comme une résidence secondaire et être inclus dans le patrimoine familial lorsque la famille y passe la plus grande partie de ses week-ends ainsi que ses vacances d'été, et à plus forte raison un chalet.

Si vous êtes propriétaire d'un duplex, ou encore d'un immeuble à revenus, et que vous habitez avec votre famille un des logements de cet immeuble, votre résidence se limite au logement dans lequel vous habitez. La valeur de la résidence est alors proportionnelle à la quote-part que représente votre logement par rapport à l'immeuble.

Cette quote-part est établie en tenant compte de la dimension du logement et de sa valeur locative, mais également des avantages qui s'y rattachent. Par exemple, le logement situé dans un triplex représente plus que le tiers de l'immeuble s'il est plus grand que les autres logements, mais également si ses occupants bénéficient d'avantages dont ne profitent pas les autres occupants, comme le droit d'utiliser la cour ou le stationnement.

Lorsque l’immeuble a servi en grande partie à des activités commerciales, seule la valeur nette de la partie utilisée par la famille doit être incluse dans le patrimoine familial.

Vous êtes propriétaire d'une maison partiellement payée au moment du mariage? Votre conjoint n’a  alors droit qu’à la moitié de la valeur accumulée durant le mariage, excluant la plus-value.

Les meubles

Les meubles qui se trouvent dans l'une ou l'autre des résidences de la famille, que ce soit à des fins utilitaires ou décoratives, et qui servent à l'usage de la famille, font partie du patrimoine familial. Ainsi, le fauteuil du salon fait partie du patrimoine familial. Par contre, celui qui se trouve dans le bureau de votre conjoint, situé au sous-sol et auquel lui seul a accès, n'en fait pas partie.

À noter. Les meubles comprennent les tableaux, les œuvres d'art, mais non les collections qui se trouvent dans des galeries ou des pièces particulières.

Les véhicules automobiles

Tous les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille sont inclus dans le patrimoine familial. C'est le cas de la camionnette que vous utilisez pour les loisirs et les sorties en famille, ainsi que la voiture qu'utilisent votre conjoint et vos adolescents. En revanche, la voiture de collection non utilisée par la famille ou l'automobile que vous êtes le seul à utiliser pour vous rendre au travail et qui ne sert jamais aux déplacements de la famille ne fait pas partie du patrimoine familial.

À noter. Une voiture louée n’est pas un bien dont l’un des époux est propriétaire, donc n’est pas incluse dans le patrimoine familial. Cependant, une voiture louée avec option d’achat pourrait y être incluse.

Les régimes de retraite

Il existe au Québec plusieurs types de régimes de retraite. La plupart d'entre eux font partie du patrimoine familial. Ainsi, sont inclus dans le patrimoine familial les régimes de retraite suivants:

  • le régime de retraite auquel vous adhérez si vous travaillez pour une entreprise du secteur privé, si vous êtes à l'emploi de la fonction publique provinciale ou fédérale (par exemple le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), le régime de retraite des Forces canadiennes, etc.), ou si vous êtes à l'emploi d'entreprises de compétence fédérale telles Bell Canada ou Air Canada;
  • vos régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER) (même vos droits accumulés dans un REER collectif offert par votre employeur font partie du patrimoine familial); et
  • les contrats de rentes dans lesquels vous avez transféré des droits à retraite. Par exemple, vous occupez un emploi pendant 15 ans et adhérez pendant toutes ces années au régime de retraite de votre employeur. À la fin de votre emploi, vos droits à retraite ont une valeur de 30 000$. Vous décidez d'investir cette somme dans l'achat d'une rente qui vous procurera des prestations de retraite à compter de l'âge de 65 ans. Cette rente fait partie du patrimoine familial.

Important. Seuls les droits à retraite accumulés pendant le mariage font partie du patrimoine familial. Ainsi, si vous avez débuté votre emploi en 1994, que vous avez adhéré au régime de retraite de votre employeur en 1996, et que vous vous mariez en 1999, seuls vos droits à retraite accumulés à compter de 1999 sont inclus dans le patrimoine familial. Ceux accumulés entre 1996 et 1999 ne le sont pas. Par ailleurs, si le partage du patrimoine familial a lieu en raison de votre décès et que votre régime de retraite prévoit le versement d'une rente de décès à votre conjoint, vos droits à retraite ne sont pas partagés. Par ailleurs, les fonds de retraite détenus à l’étranger sont aussi inclus dans le patrimoine.

À noter.Le partage ne peut avoir pour effet de priver l'époux membre du régime de plus de 50% de la valeur totale de ses droits à retraite. Le conjoint de l'époux membre du régime ne peut par ailleurs, à la suite du partage, détenir plus de droits dans le régime que l'époux lui-même.

Par contre, ne font pas partie du patrimoine familial les régimes de retraite suivants:

  • les régimes de participation aux bénéfices. Comme leur nom l'indique, les régimes de participation aux bénéfices sont des régimes qui permettent aux employés de recevoir une participation dans les bénéfices de l'entreprise. Quoiqu'ils constituent un mode d'épargne en vue de la retraite, ils ne sont pas, sauf exception, des régimes de retraite, et sont en conséquence généralement exclus du patrimoine familial;
  • les conventions de rentes complémentaires pour les hauts salariés. Les conventions de rentes complémentaires sont des conventions établissant en faveur de hauts salariés des droits à la retraite qui s'additionnent à ceux prévus dans leur régime de retraite. Les droits à la retraite accumulés en vertu de ces conventions ne font pas partie du patrimoine familial;
  • les contrats non-enregistrés de rentes. Les contrats de rentes achetés avec des fonds qui ne proviennent pas d'un régime de retraite ne font pas partie du patrimoine familial. Par exemple, vous avez épargné, pendant 20 ans, à même votre salaire, une somme de 50 000$. Vous décidez d'acheter avec vos économies une rente qui vous permettra de recevoir des prestations de retraite à compter de l'âge de 65 ans. Cette rente ne fait pas partie du patrimoine familial; et
  • certains véhicules d'épargne ou de placement comme les régimes d'épargne-actions et les placements dans le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, sauf s'ils sont détenus dans un REER.

Les gains inscrits aux registres du Régime de rentes du Québec (RRQ) ou de programmes équivalents, dont le Régime de pensions du Canada (RPC)

Vos droits accumulés pendant le mariage dans le RRQ et dans le RPC sont inclus dans le patrimoine familial. Les gains accumulés avant le mariage en sont exclus.

À noter. Ces droits ne sont pas partagés si le mariage prend fin à la suite de votre décès ou de celui de votre conjoint. Par ailleurs, les gains inscrits aux registres du RRQ et du RPC sont partagés automatiquement, sauf s'il y a une renonciation des deux (2) parties, même lorsque les conjoints ne sont pas soumis au partage ou qu'ils s'en sont exclus, du moment que le jugement de divorce, de séparation de corps ou de nullité de mariage est rendu après le 30 juin 1989.

Le partage (articles 416, 417, 418 CcQ)

Le partage du patrimoine familial a lieu dans les circonstances suivantes :

  • lorsqu'un jugement de séparation de corps, de divorce ou de nullité de mariage est prononcé;
  • lorsque l'un des conjoints décède.

Quant au partage, il est important de saisir que c'est la valeur nette des biens qui est partagée, donc déduction faite des dettes contractées pour l’acquisition, l’amélioration, l’entretien ou la conservation de ces biens.

Ainsi, au moment du partage du patrimoine familial, on doit évaluer la valeur marchande des biens à la date de l’introduction de l’instance, à moins qu’un des époux ait demandé au tribunal d’établir la valeur marchande à la date où les époux ont cessé de faire vie commune, et non la valeur au moment de l’achat.

De cette valeur marchande, il faut soustraire les dettes non acquittées au moment du partage et qui sont liées à l’acquisition, à l’entretien ou la conservation de ce bien. Cette soustraction permettra de déterminer la valeur partageable. Ainsi, advenant que la voiture ait été partiellement payée au moment du mariage, il faudra tout de même tenir compte d’une partie de ce montant dans la détermination de la valeur partageable.

Ensuite, une fois la valeur nette établie, il est encore possible de soustraire de cette valeur un bien qui appartenait déjà à l'un des conjoints en date du mariage ou l'apport du conjoint qui a contribué pendant le mariage à l'acquisition ou à l'amélioration d'un bien du patrimoine à même un don ou un héritage.

À la fin du mariage, il faut donc, une fois les biens du patrimoine familial identifiés, évaluer la valeur partageable du patrimoine. Celle-ci est équivalente à la valeur marchande de tous les biens qui en font partie, de laquelle il faut soustraire:

  • la valeur des dettes qui ont été contractées pour l'acquisition, l'amélioration, l'entretien ou la conservation de ces biens;
  • la valeur nette, à la date du mariage, des biens du patrimoine qui appartenaient déjà à l'un des conjoints à cette date, ainsi qu'une partie de l'augmentation de valeur acquise par ces biens pendant le mariage, c’est-à-dire la plus-value. La plus-value correspond ici à la proportion de l’augmentation de valeur correspondant au montant déjà payé au moment du mariage. Par exemple, au moment du mariage, vous aviez payé 10% de la valeur de votre maison. Au moment du partage, vous avez droit au montant payé au moment du mariage ainsi que 10% de l’augmentation de la valeur acquise au cours de l’union;
  • la valeur de l'apport du conjoint qui a contribué pendant le mariage à l'acquisition ou à l'amélioration d'un bien du patrimoine à même un don ou un héritage et la plus-value y correspondant.

À noter. À la demande de l'un des conjoints, le tribunal peut exceptionnellement ordonner un partage inégal du patrimoine familial lorsqu'il constate qu'un partage égal serait injuste. Cette injustice peut être déduite, entre autres, de la brève durée d’un mariage, de la dilapidation de biens par un des conjoints ou de la mauvaise foi d’un de ces derniers. Il peut, pour le même motif, ordonner qu'il n'y ait pas partage des gains inscrits aux registres du RRQ ou de programmes équivalents, dont le RPC.

Paiement compensatoire (article 421 CcQ)

Lorsqu’un bien qui faisait partie du patrimoine familial a été aliéné dans l’année précédant  la date d’introduction de l’instance, le tribunal peut ordonner qu’un paiement compensatoire soit fait à l’époux à qui aurait profité l’inclusion de ce bien dans le patrimoine familial. Si l’aliénation a été faite de mauvaise foi, dans le but de diminuer la part de l’autre époux dans le partage du patrimoine familial, il est possible d’aller au-delà d’un an.

Partage inégal (article 422 CcQ)

La règle générale veut que le partage s’effectue en part égale suivant la valeur nette des biens inclus dans le patrimoine familial. Cependant, à la demande de l'un des conjoints, le tribunal peut exceptionnellement ordonner un partage inégal du patrimoine familial lorsqu'il constate qu'un partage égal serait injuste. Cette injustice peut être déduite, entre autres, de la brève durée d’un mariage, de la dilapidation de biens par un des conjoints ou de la mauvaise foi de l’un d’eux. Il peut, pour le même motif, ordonner qu'il n'y ait pas partage des gains inscrits aux registres du RRQ ou de programmes équivalents, dont le RPC.

Prestation compensatoire (article 427 CcQ)

La prestation compensatoire est une mesure d’équité qui confère un pouvoir discrétionnaire au juge pour remédier à une injustice causée par la réalisation d’un régime matrimonial. Dans ce contexte, lorsqu’il y a une circonstance exceptionnelle le tribunal peut ordonner à l’un des époux de verser à l’autre, en compensation de l’apport de ce dernier à l’enrichissement du patrimoine de son conjoint, une prestation payable au comptant ou par versements.

Par exemple, pourra avoir droit à une prestation compensatoire l’épouse qui a sacrifié sa carrière pour les besoins de sa famille, a veillé à l’éducation des enfants du couple ainsi qu’au bon fonctionnement de la résidence familiale, permettant ainsi à son époux de consacrer toutes ses énergies à son entreprise.

Le partage du patrimoine familial vous concerne-t-il?

Tous les époux, mariés soit avant, soit après le 1er juillet 1989, sont soumis au partage du patrimoine familial. Il existe cependant quelques exceptions à ce principe. Ainsi, la loi ne s'applique pas dans les cas suivants:

  • les conjoints se sont mariés avant le 1er juillet 1989 et ont signé devant notaire, au plus tard le 31 décembre 1990, une convention dans laquelle ils déclaraient ne pas souhaiter être assujettis à la loi;
  • les conjoints vivaient séparés le 15 mai 1989 et avaient réglé par une entente verbale ou écrite les conséquences de leur séparation, par exemple la garde des enfants, le montant de la pension alimentaire, le mode de partage des biens, etc.; ou
  • les conjoints avaient entrepris, avant le 15 mai 1989, des procédures de séparation de corps, de divorce ou de nullité de mariage.

Pouvez-vous refuser de partager les biens du patrimoine familial?

Vous ne pouvez pas convenir à l'avance avec votre conjoint qu'en cas de rupture, vos biens qui font partie du patrimoine familial ne seront pas partagés. Une entente à cet effet, même consignée dans votre contrat de mariage, est nulle, tel qu’établi à l’article 423 du C.c.Q.

Vous pouvez toutefois renoncer au partage, en tout ou en partie, dans le cadre des procédures en séparation de corps, en divorce ou en nullité de mariage, ou au moment du décès de votre conjoint. Cette renonciation doit être claire, précise et explicite et doit être faite devant un notaire ou par une déclaration dans les procédures qui doit être approuvée par le juge. La renonciation doit par la suite être inscrite au registre des droits personnels et réels mobiliers dans un délai d'un an à compter du jour de l’ouverture du droit au partage. À défaut d'inscription dans le délai prescrit, le partage est réputé accepté.

La renonciation par acte notarié peut être annulée si elle a été faite sous le coup de la menace ou à la suite de fausses représentations ou si elle découle d'une erreur sur la nature du document signé. Elle peut également être annulée si elle résulte de l'exploitation de l'un des conjoints par l'autre et s'il existe une disproportion importante entre les avantages que chacun en retire.

Au moment du mariage, prenez vos précautions!

Les précautions suivantes facilitent le partage du patrimoine familial à la fin du mariage:

  • faites un contrat de mariage et précisez-y la valeur nette et la valeur brute des biens que vous et votre conjoint possédez au moment du mariage. En effet, la valeur partageable du patrimoine familial tient compte de la valeur nette et de la valeur brute des biens du patrimoine possédés par les conjoints au moment du mariage. Cette précaution permet donc de déterminer plus facilement la valeur partageable du patrimoine au moment de la rupture;
  • comme seuls les droits à retraite accumulés pendant le mariage sont inclus dans le patrimoine familial, versez vos contributions à un REER à compter de la date du mariage dans un nouveau REER. Il sera ainsi plus facile de déterminer la valeur accumulée dans votre REER pendant le mariage.

Pendant le mariage, faites les bons choix!

Si vous désirez limiter le plus possible les effets du partage du patrimoine familial, vous pouvez envisager les mesures suivantes:

  • évitez d'utiliser les économies réalisées avant le mariage pour payer des biens qui font partie du patrimoine familial;
  • remboursez en priorité les dettes qui affectent vos biens personnels plutôt que les dettes qui affectent les biens du patrimoine familial. Comme c'est la valeur nette du patrimoine familial qui est partagée, plus les dettes qui affectent les biens du patrimoine sont élevées, plus la valeur partageable du patrimoine est faible et plus les conséquences du partage sont négligeables;
  • investissez le moins possible dans des biens qui font partie du patrimoine, et le plus possible dans des biens qui en sont exclus. Par exemple, faites l'acquisition d'une seule résidence et investissez dans un immeuble à revenus plutôt que d'acquérir une résidence secondaire. Empruntez l'argent nécessaire à l'acquisition, l'amélioration, l'entretien ou la conservation des biens du patrimoine familial, et utilisez votre argent pour faire l'acquisition de biens qui ne sont pas inclus dans le patrimoine familial ou pour des investissements personnels;
  • choisissez autant que possible des régimes de retraite autres que ceux inclus dans le patrimoine familial. Par exemple, vérifiez si vous pouvez adhérer à un régime de participation aux bénéfices plutôt qu'à un régime de retraite. Contribuez au minimum dans le régime de retraite de votre employeur et choisissez d'autres modes d'épargne en vue de la retraite. Si vous voyez un avantage important à investir dans un REER à cause de l'avantage fiscal que cela vous procure, vérifiez si d'autres abris fiscaux pourraient vous permettre de bénéficier d'avantages équivalents.

Ces conseils auront évidemment plus d’impact si, tel que mentionné précédemment, votre conjoint et vous êtes régis par un contrat de mariage en séparation de biens, plutôt que par le régime matrimonial de la société d’acquêts ou de la communauté de biens.

Conseil

Avant d'adopter l'une ou l'autre des mesures ci-dessus, vérifiez les conséquences fiscales qui s'y rattachent. Il serait regrettable qu'en voulant minimiser les effets du partage, vous vous placiez dans une situation pire que celle à laquelle vous avez voulu échapper.

Les conjoints de fait?

Tel qu’indiqué préalablement, les conjoints de fait ne sont pas soumis aux règles régissant le partage du patrimoine familial.  Néanmoins, les conjoints de fait peuvent convenir d’un contrat de vie commune pour établir les différents aspects de leur séparation.

À défaut, l’enrichissement injustifié établi à l’article 1493 du C.c.Q constitue habituellement le seul recours disponible au conjoint de fait qui se sent désavantagé financièrement à la suite d’une séparation en lui permettant d’obtenir un certain montant d’argent.

L’objectif du recours n’est pas de procéder à un partage des patrimoines, mais uniquement de compenser une partie pour son apport en biens ou en services qui a permis à l’autre de se trouver en position financière meilleure résultant de la vie commune. Pour déterminer s’il y a enrichissement injustifié entre des conjoints de fait et fixer l’indemnité en résultant, le tribunal suivra une méthode analogue à celle développée en matière de prestation compensatoire entre conjoints mariés.


Dernière mise à jour : 31 mars 2023


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