Le Réseau juridique du Québec: Mandat d'inaptitude

La protection du majeur sans mandat de protection au Québec

Que se passe-t-il si je n’ai pas de mandat de protection et que je ne peux plus m’occuper de moi-même ou de la gestion des mes affaires?


Marc Gélinas, avocat, Jurismedia inc., Montréal


Au Québec, en 2016, seulement 42% de la population possédait un mandat de protection. Pour ces quelques millions de personnes qui n'ont pas un tel mandat, la vie peut devenir difficile pour leurs proches dans l’éventualité où ils devenaient inaptes à la suite d'un accident ou de maladie.

Sans un mandat de protection, un régime de protection devra être ouvert par voie judiciaire. Il existe trois catégories de régimes de protection pour le majeur inapte. Les deux premiers, la curatelle et la tutelle, sont des régimes de représentation de la personne. Le troisième, le conseiller au majeur, est un régime d’assistance. Le choix du régime dépendra du degré d’inaptitude de la personne et le tribunal peut choisir un régime différent de celui qui fait l'objet de la demande.

Quel que soit le régime de protection que l’on veut obtenir, son ouverture se fera par voie judiciaire (c’est-à-dire par les tribunaux). Il est toutefois possible de procéder devant un notaire lorsqu’il n’y a pas de contestation. Dès qu’une personne conteste, que ce soit la personne qui fait l’objet d’une demande de protection ou un proche, la demande devra être présentée devant le tribunal. Toute personne démontrant un intérêt pour le majeur, dont son conjoint, peut demander l’ouverture d’un régime de protection. Si cette personne n’est pas accoutumée avec le processus judiciaire, elle aurait avantage à avoir recours à un avocat ou à un notaire. Les coûts reliés à cette procédure et aux honoraires du juriste peuvent varier entre 1000 $ et 1500 $, selon la complexité du dossier.



Lorsqu’elle est présentée devant un tribunal, la demande doit être faite par voie de demande judiciaire, devant un juge du district où le majeur a sa résidence ou son domicile. Cette demande doit énoncer tous les faits sur lesquels est basée la demande d’ouverture du régime. Elle doit expliquer pourquoi la demande est faite et être accompagnée d’une évaluation médicale et psychosociale. La demande doit être signifiée au majeur faisant l’objet de la demande, au curateur public ainsi qu’à son conjoint, à ses père et mère et à ses enfants majeurs ou, à défaut, à au moins deux personnes qui démontrent pour le majeur un intérêt particulier. De plus, une demande visant à nommer une personne pour administrer provisoirement les biens de la personne inapte pourra, dans certains cas, être nécessaire. En effet, entre le moment de la demande et celui où le juge rend sa décision, il peut s’écouler un délai de plusieurs mois.

Il devra également y avoir convocation de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis. Au moins cinq personnes, incluant le conjoint du majeur, ses parents, ses frères et sœurs de même que ses descendants, s’ils ont une résidence connue au Québec, ainsi que les descendants majeurs au premier degré du majeur, doivent être convoquées à cette assemblée. Lors de cette dernière, les personnes convoquées doivent y assister physiquement ou virtuellement, ne pouvant se faire représenter par mandataires. Suite à cette assemblée, un conseil de tutelle devra être constitué. Ce conseil sera formé de trois personnes, ou d’une seule si le tribunal le permet. Le rôle du conseil de tutelle sera de surveiller les actes posés par le curateur ou le tuteur. Ces derniers devront notamment tenir un inventaire des biens, établir des rapports et des comptes annuels ainsi que fournir une assurance ou une sûreté, dans les cas où la valeur des biens excède 25 000 $. Le curateur public effectuera également une surveillance de la curatelle ou de la tutelle.

Lors de l’audition de la demande, le juge doit entendre et interroger le majeur, sauf si son état de santé ne le permet pas. Si son état le permet, le juge doit entendre l'avis du majeur sur le bien-fondé de sa demande ainsi que sur le choix du régime de protection qui serait le plus approprié. De plus, avant de prendre une décision relative à l’ouverture d’un régime de protection, le juge prendra l’avis des personnes susceptibles de former le conseil de tutelle. La décision qui sera prise le sera dans le seul intérêt du majeur et dans le respect de ses droits. Le tribunal n’est pas obligé de rendre une décision en fonction des allégués de la demande qui lui est présentée, ayant la discrétion d’accorder une protection accrue ou moindre à celle réclamée dans la demande. Il devra, cependant, s’en tenir aux balises circonscrites par la loi, celles-ci étant d’ordre public. Lorsque cela est possible, le tribunal nommera une personne dans l’entourage du majeur en tant que curateur, tuteur ou conseiller. Cependant, s’il n’y a personne pour s’occuper de cette tâche, la curatelle ou la tutelle sera confiée au curateur public. Toutefois, ce dernier n’agit jamais comme conseiller au majeur.

Le régime de protection pourra être révisé sur demande, par le dépôt d’un rapport de révision du directeur général d’un établissement de santé et de services sociaux ou automatiquement de façon périodique. La période de révision automatique est de trois ans pour la tutelle et de cinq ans pour la curatelle, mais le tribunal peut fixer un autre délai s’il le juge opportun. La demande de révision peut viser à renforcer le régime de protection, à l’assouplir, ou encore à y mettre fin. À tout événement, elle doit être justifiée par un motif sérieux ou par un changement important dans la situation du majeur.

La procédure devant le notaire est très similaire à celle ayant lieu devant la Cour. Une déclaration indiquant les faits sur lesquels est fondée la demande d’ouverture d’un régime de protection sera préparée par le notaire et cette déclaration devra être signifiée au majeur faisant l’objet de la demande, au curateur public ainsi qu’à son conjoint, à ses père et mère et à ses enfants majeurs ou, à défaut, à au moins deux personnes qui démontrent pour le majeur un intérêt particulier. Une évaluation médicale et psychosociale sera aussi requise à l’appui de la déclaration. Le notaire convoquera également une assemblée de parents, d’alliés et d’amis pour obtenir leur avis. Le notaire procédera de la même manière à l’interrogatoire du majeur, à moins que son état de santé ne le permette pas. Après toutes ces démarches, le notaire rédigera un procès-verbal contenant ses conclusions, lequel devra être notifié aux personnes intéressées et déposé à la Cour avec toutes les pièces justificatives. Le tribunal sera ensuite saisi de ce procès-verbal et pourra décider d’accueillir les conclusions du notaire ou de les rejeter et pourra aussi rendre les ordonnances qu’il juge nécessaires afin de protéger les droits des parties. La révision du régime de protection ouvert par un notaire se fera selon les mêmes règles que celles suivies pour l’ouverture de ce régime.

La situation est toute autre pour la personne possédant un mandat de protection. Lorsqu’un majeur a un tel mandat, la personne désignée comme mandataire doit présenter une demande en homologation. Celle-ci doit être accompagnée d’une évaluation médicale et psychosociale démontrant l’inaptitude. La demande doit être signifiée au majeur faisant l’objet de la demande, au curateur public ainsi qu’à une personne de la famille du majeur. Le tribunal entendra également le majeur, sauf si cela est déraisonnable vu son état de santé.


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L’homologation peut également être faite par un notaire, qui interrogera lui-même le majeur et déposera un rapport devant le greffier de la Cour. Les délais reliés à l’homologation sont moins longs, soit environ un mois et demi à deux mois. Le coût de cette procédure, quant à elle, est de 800 $ à 1000 $. Les principaux avantages au mandat de protection, outre les délais plus courts et les frais moins élevés, consistent notamment en le fait qu’il ne soit pas nécessaire de procéder à la constitution d’un conseil de tutelle et que vous pouvez choisir vous-même qui s’occupera de vous et administrera vos biens.

Une fois le mandat d’inaptitude homologué, le mandataire acquiert tous les pouvoirs prévus au mandat. Si le mandat ne couvre pas tout, un régime de protection sera ouvert pour le compléter. Le mandataire devra, à la fin de son mandat, rendre compte de sa gestion des biens.

Il est à noter que le mandat de protection est ce que l'on appelait, avant le 1er janvier 2016, le mandat en prévision d'inaptitude ou mandat en cas d'inaptitude.

Quelques définitions…

    La curatelle

    La curatelle consiste en un « régime de protection d’un majeur inapte à prendre soin de lui-même et à administrer ses biens, totalement et de façon permanente, et qui a besoin d’être représenté dans l’exercice de ses droits civils ». Le curateur, soit la « personne nommée par la loi ou par un tribunal pour assister ou représenter un individu dans la gestion de ses biens ou dans l’exercice de ses droits, ou dans ces deux fonctions à la fois », aura la pleine administration des biens du majeur et devra faire fructifier ceux-ci uniquement en se servant de placements présumés sûrs. Ce régime peut être établi notamment dans les cas où la personne est en stade final de la maladie d’Alzheimer ou encore, lorsqu’elle est atteinte d’une déficience mentale profonde.

    La tutelle

    La tutelle consiste en un « régime de protection d’un mineur non émancipé, d’un majeur inapte à prendre soin de lui-même ou à administrer ses biens, partiellement ou temporairement, d’un prodigue qui met en danger le bien-être de son conjoint ou de ses enfants mineurs ou, dans certains cas, d’un absent qui a des droits à exercer ou des biens à administrer ». Ainsi, elle peut être établie dans les cas d’inaptitude partielle ou temporaire, lorsqu’une déficience affecte l’aptitude du majeur à exprimer sa volonté. Le majeur sous tutelle doit aussi avoir besoin d'être représenté dans l'exercice de ses droits civils. Dans ces cas, les pouvoirs d’administration du tuteur varieront selon ce qui est indiqué au jugement. Ce régime peut être établi lorsqu’une personne souffre momentanément d’une dépression profonde ou encore suite à un accident lorsque la personne est dans le coma.

    Le conseiller au majeur

    Le conseiller au majeur est une « personne nommé en vertu d'un régime de protection auquel est soumise une personne majeure lorsque celle-ci, bien que généralement ou habituellement apte à prendre soin d'elle-même et à administrer ses biens, a besoin, pour certains actes ou temporairement, d'être assistée ou conseillée dans l'administration de ses biens ». Ainsi, le tribunal nomme un conseiller au majeur, lorsque ce dernier a besoin d’être assisté ou conseillé dans l’administration de ses biens, même s’il est généralement apte. L’assistance ne sera nécessaire que pour les actes spécifiquement indiqués par le tribunal ou, si le jugement ne le précise pas, pour tout ce qui excède les actes qu’un mineur simplement émancipé peut faire. Par exemple, un conseiller pourra être nommé lorsqu’une personne atteinte d’une légère déficience a des biens importants à gérer.


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Dernière mise à jour : 6 août 2019


Avis : L'information présentée ci-dessus est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant un ou des conseils ou avis juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, veuillez consulter un avocat ou un notaire.


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