Les conflits locateurs-locataires | RJQ

Les conflits locateurs-locataires


Me Guy Audet, avocat, Montréal. www.droitlocatif.ca


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Introduction

Dans le cadre des relations locateurs-locataires, plusieurs situations conflictuelles peuvent survenir, dont le bruit anormal fait dans un immeuble, le non-paiement du loyer par un locataire, son déguerpissement en cours de bail, le refus du locataire de donner accès à son logement et le harcèlement dont pourra se dire victime le locataire.

Nous étudierons, dans le cadre du présent texte, certains principes de droit général applicables à chacun et des exemples de décisions relatives à ces principes.

Le bruit et le logement

Une des problématiques les plus courantes dans le cadre des relations locateurs-locataires est les plaintes que peuvent faire les locataires relativement au fait qu'ils sont troublés dans leur jouissance paisible des lieux par le bruit fait par leurs voisins, le va-et-vient continuel dans l'immeuble, etc.

Dans une telle situation, quelles sont les obligations de chacun?

Le locateur, conformément à l'article 1854 C.c.Q., doit garantir la jouissance paisible des lieux à ses locataires.

    "1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

    Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail."

Le locataire qui prétend ne pas avoir la jouissance paisible des lieux pourra, après avoir mis en demeure le locateur de régler la situation, exercer un recours contre ce dernier en diminution de loyer et/ou dommages.

Si le locataire est troublé par un tiers qui n'est pas locataire et qui échappe au contrôle du locateur, le locataire conserve son recours en diminution de loyer contre le locateur, mais ce dernier ne peut être responsable des dommages causés au locataire, le tout conformément à l'article 1859 C.c.Q. qui stipule ce qui suit :

    "1859. Le locateur n'est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu'un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l'être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l'usage ou l'accès à celui-ci.

    Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur."

L'obligation de fournir la jouissance paisible des lieux prévue à l'article 1854 en est une de résultat. Il suffit donc de constater le trouble ou le dommage subi par le locataire afin que la responsabilité du locateur soit présumée. Afin de s'en dégager, le propriétaire devra prouver, par prépondérance de preuve (50% + 1), une force majeure ou le fait de la victime.

Le tribunal devra analyser le comportement du locataire en se basant sur des critères objectifs et chercher à déterminer si les locataires plaignants ou le propriétaire habitant l'immeuble vivent une situation qui constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail considérant que chacun doit subir les bruits normaux inhérents à la vie quotidienne.

De son côté, le locataire doit supporter les inconvénients normaux, le tout conformément à l’article 976 du Code civil du Québec, qui précise ce qui suit :

    "976.   Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux."

La question qui se pose bien souvent est de savoir si les bruits dont se plaint un locataire sont normaux ou anormaux?

Plusieurs jugements qui ont été prononcés récemment nous illustrent le critère de ce qui peut être anormal et exorbitant.

À titre d’exemple, dans la décision Laglois c. Allard1, le locataire se plaignait que son voisin, également un locataire du même immeuble, faisait du bruit en claquant sa porte de patio, en mettant de la musique forte en tout temps et en faisant du BBQ tard le soir. Il réclamait ainsi une diminution de loyer de 50% pour l’année qui précédait et des dommages moraux de 1 000.00 $ au locateur. Le locateur a expliqué qu’il avait avisé le locataire à plusieurs reprises sans succès et qu’il avait finalement obtenu son éviction pour non-paiement de loyer. Malgré tout, comme la conjointe du locataire fautif venait tout juste d’accoucher, le locateur avait attendu deux mois avant d’exécuter sa décision.

Le Tribunal administratif du logement vient à la conclusion que le bruit n’était pas continu et accorde au locataire dérangé un montant de 100.00 $ par mois à titre de diminution de loyer. Quant aux dommages moraux, ceux-ci ne sont pas accordés considérant que le tribunal a jugé que le locateur n’avait pas commis de faute.

Dans la cause Perreault c. Habitation L'Équerre Inc.2, les locataires se plaignaient du bruit fait par les trois enfants habitant au logement au-dessus du leur et plus particulièrement que la petite de deux ans courait régulièrement.

Il a été décidé dans ce dossier que le bruit n’était pas anormal et que la preuve de bruit excessif des locataires était nettement insuffisante.

Dans la cause Gamache c. Espina3, les locataires se plaignaient qu’il y avait un problème avec le bruit provenant du logement du dessous. Il se plaignait de la musique entendue l’après-midi de 13h à 17h ainsi que de bruits d’enfants, des bruits de ballons et des balles sur les murs ainsi que du claquement des armoires.

Le Tribunal conclut que la preuve prépondérante était à l’effet que le locataire qui habite en dessous des locataires et de ses deux enfants faisaient du bruit normal.

Dans la cause Mina c. Rielle4, le locataire demandait au locateur de faire en sorte que sa jouissance paisible des lieux soit respectée. Le locataire se plaignait du bruit fait par la famille voisine, également locataires du propriétaire, et que les enfants jouaient en criant et courant dans l’appartement, qu’un va-et-vient incessant avait lieu et que de la musique forte jouait régulièrement. Pour ces motifs, les locataires réclamaient une diminution de loyer de 20% depuis le 1er juin 2018. Le locateur, en recevant les mises en demeure, a rencontré les locataires bruyants pour les avertir, finissant finalement par les relocaliser, un peu plus d’un an après la première mise en demeure.

Dans sa décision, le juge administratif explique que le locateur n’a pas pu contredire les propos des locataires, n’ayant pas assigné comme témoin la locataire bruyante ni les autres locataires, n’habitant pas lui-même les lieux. Le juge administratif indique également que :

« Le Tribunal partage l’opinion du locateur à l’effet que le bruit des enfants sont généralement considérés comme des bruits normaux. Toutefois, bien que les voisins doivent faire preuve de certaine tolérance quant à ce genre de bruit, ils n’ont pas à accepter que leur jouissance paisible des lieux soit compromise au point qu’ils ne peuvent plus jouir paisiblement des lieux loués. »

Considérant la perte de jouissance des lieux des locataires, le Tribunal leur octroie la somme globale de 600.00 $.

D’un autre côté, des difficultés mineures qui n’occasionnent qu’un simple désagrément au locataire, sans pour autant diminuer de façon substantielle la jouissance paisible des lieux, ne justifient pas l’intervention du Tribunal.

Lorsque le locateur reçoit des plaintes croisées, c’est-à-dire que deux locataires se plaignent du bruit fait par chacun, le locateur ne peut rester les bras croisés. Il lui appartiendra de déposer au Tribunal administratif du logement une demande pour faire trancher le litige. Il pourra demander la résiliation du bail de chacun et laisser le tribunal décider selon la preuve présentée.

Chaque cas est un cas d'espèce et devra être analysé selon ses faits propres.

Il est à noter que le locateur instituant une demande en résiliation de bail a le fardeau de preuve de sorte qu'il devra prouver, selon la prépondérance des probabilités, l'atteinte grave à ses droits.

Le non-paiement de loyer et la résiliation du bail

La principale obligation du locataire consiste à payer son loyer le 1er de chaque mois conformément à l’article 1903 C.c.Q., à moins qu’une autre date ne soit convenue entre les parties.

En cas de défaut du locataire relativement au paiement de son loyer, l’article 1971 du Code civil du Québec stipule que le locateur peut demander la résiliation du bail de son locataire lorsque ce dernier est en retard depuis plus de trois semaines dans le paiement du loyer ou encore lorsque le locataire retarde fréquemment le paiement de son loyer et qu’il en subit un préjudice sérieux. À titre d’exemple, la preuve de la perte financière reliée aux retards fréquents est considérée comme un préjudice sérieux.

La défense que peut offrir un locataire à une demande de non-paiement de loyer est assez limitée. En vertu de l’article 1868 C.c.Q., celui qui fait le paiement a le droit d’obtenir un reçu. Selon l’article 2803 C.c.Q., celui qui invoque le paiement a le fardeau de la preuve, ce qui veut dire que le locataire doit en faire la preuve de façon prépondérante. L’article 1845 C.c.Q. énonce que le témoignage est laissé à l’appréciation du Tribunal.

Dans la décision Seye c. Herceg5, le locataire alléguait avoir payé le loyer en argent comptant, sans obtenir de reçu. Le juge administratif conclut, après analyse de la preuve et des témoignages, « que la locataire n’a pas réussi à établir qu’elle a payé les loyers de janvier à avril 2021. Le bail a donc été résilié. »

Selon l’article 1883 C.c.Q., le locataire poursuivi en résiliation de bail pour non-paiement de loyer peut éviter la résiliation du bail, en payant au locateur le loyer dû, les frais et les intérêts.

Dans l'affaire Malo c. Lahaie6, le locataire, qui était en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, demandait au juge administratif la possibilité d’échelonner ses paiements pour rembourser sa dette et de ne pas résilier le bail.   

Le Tribunal a expliqué que l’article 1883 C.c.Q. n’accorde pas de pouvoir discrétionnaire aux juges administratifs du Tribunal administratif du logement lorsque la demande donnant ouverture au recours est fondée sur un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et que l’ensemble des montants dus doit être payé avant le jugement du Tribunal administratif du logement, le tout, en conformité avec une décision de la Cour du Québec de 20117.

Dans ce dossier, le bail a été résilié et l’éviction de la locataire et des occupants du logement ordonné à compter du 11e jour de la date de signature de la décision.

Le départ du locataire en cours de bail

Il arrive parfois qu’un locataire quitte son logement au cours du bail sans aviser le locateur de ses raisons et de ses intentions. Dans une telle situation, peut-on considérer le bail comme étant résilié ?

L’article 1975 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :

    "Le bail est résilié de plein droit lorsque, sans motif, un locataire déguerpit en emportant ses effets mobiliers; il peut être résilié, sans autre motif, lorsque le logement est impropre à l’habitation et que le locataire l’abandonne sans en aviser le locateur."

Pour qu’un bail soit résilié de plein droit conformément à l’article 1975 C.c.Q., plusieurs conditions doivent être remplies. D’abord, le locataire déménage en cours de bail en emportant ses effets mobiliers. Ensuite, il se soustrait à ses obligations, dont la plus importante est le paiement du loyer. Finalement, le locataire n’a aucune raison valable pour quitter.

En pratique, le Tribunal administratif du logement va être appelé très souvent à statuer sur la légalité ou non du départ d’un locataire d’un logement qui prétend avoir eu une bonne raison d’abandonner le logement.

Par exemple, il pourra refuser de prendre possession des lieux en alléguant que le logement ne lui a pas été livré en bon état de réparations de toutes espèces ou de propreté.

Dans la cause, Sarr c. Place Benoit inc..8, le locataire a refusé de prendre livraison de son logement alléguant que les planchers devaient être refaits avant son déménagement. Il alléguait également la présence de moisissure et de coquerelles.

Les photos produites par le locataire démontraient qu’il y avait des taches de peinture sur le plancher de bois très abimé, qu’un congélateur avait été laissé dans le logement ainsi que des boîtes de conserve. Le logement n’avait pas été nettoyé en profondeur suivant le départ des anciens locataires.

Le Tribunal n’a pu conclure des photographies présentées par le locataire que le logement était insalubre ou impropre à l’habitation. Toutefois, les photographies présentées en preuve démontraient que le logement n’avait pas été livré en bon état de propreté.

Dans ce dossier, la locatrice avait tenté de solutionner les plaintes du locataire dans un délai raisonnable. Le Tribunal conclut que le locataire n’a pas démontré de façon prépondérante que la situation lui occasionnait un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail. Le locataire n’était donc pas justifié de refuser de prendre possession du logement, le tout équivalent à un déguerpissement des lieux loués, ce qui a eu pour effet de résilier le bail de plein droit.

Dans la cause, Tanase c. Stirbu9, après plusieurs tentatives, un dernier avis de cession de bail avec le nom du cessionnaire et l’adresse de ce dernier avait été transmis au locateur. Ce dernier, par l’intermédiaire de son avocat, a répondu en refusant la cession, jugeant l’avis invalide et ne pas avoir été informé du nom de l’ancien locateur afin de vérifier la capacité du cessionnaire proposé de payer le loyer. Le Tribunal a statué que l’avis de cession était valable, le nom et l’adresse du candidat cessionnaire y figurant. « À partir de ces renseignements, il appartenait au locateur d’approfondir ses recherches afin d’en savoir davantage sur le candidat ».

Le Tribunal conclut que la preuve présentée révèle que le locateur souhaitait pouvoir choisir lui-même son futur locataire, au lieu de se faire imposer le choix du locataire. Le refus de cession a été déclaré injustifié et le bail résilié.

En cas de départ du locataire, le locateur devra mitiger ses dommages et tenter de relouer son logement le plus rapidement possible. Il devra se ménager une preuve des démarches entreprises pour relouer le logement. Il aura l’obligation d’offrir des efforts soutenus de relocation, avec célérité et constance, dès la connaissance du départ projeté d’un locataire10 . Il est donc primordial de passer régulièrement des annonces dans les journaux ou sur internet pour relouer un logement duquel un locataire a déguerpi. Chaque cas étant un cas d’espèce et la Cour aura à décider si le locateur a mitigé ou non ses dommages.

Dans plusieurs dossiers, le locataire déposera au Tribunal administratif du logement une demande par laquelle il demandera de résilier rétroactivement le bail intervenu entre les parties au jour de son départ. Le locateur, de son côté, demandera une indemnité pour tous les loyers perdus jusqu’à la relocation et les frais de publicité ou de commission.

L'accès à un logement

Il arrive régulièrement qu’un locataire de mauvaise foi refuse l’accès à son logement pour des réparations, pour la réalisation de travaux, ou pour permettre la visite des lieux, et ce, bien que dûment avisé. 

Le refus obstiné du locataire peut entraîner la résiliation du bail. Dans le cadre d'une décision prononcée récemment11, le locateur reprochait à la locataire d’avoir rendu son logement insalubre et d’en refuser l’accès pour l’extermination des blattes.

La preuve a révélé que la locataire a refusé de permettre l’accès au locateur, malgré plusieurs demandes. Le Tribunal ayant conclu à un préjudice sérieux, le bail a été résilié.

Dans un autre dossier12, la locatrice demandait la résiliation du bail au motif que la locataire refusait de donner accès à son logement afin de pouvoir procéder à une inspection préventive du contrôle des punaises de lit dans l’immeuble.

Un premier jugement avait déjà été prononcé contre la locataire en 2018, lui ordonnant de permettre l’accès à son logement.

Malgré le jugement mentionné précédemment, et de nombreux avis écrits, la locataire était soit absente, aux dates prévues ou refusait de permettre l’accès à son logement à l’exterminateur pour une inspection préventive.

La locataire était présente à l’audience et a témoigné qu’elle mettait des huiles essentielles contre les punaises de lit et qu’elle utilisait un balai à vapeur pour lutter efficacement contre la vermine.

Le Tribunal conclut à l’absence totale de collaboration de la locataire, et à son refus sans équivoque de collaborer avec le locateur, ce qui mettait en péril l’intégrité de l’immeuble.

Le bail de la locataire a été résilié et son éviction prononcée.

Dans une autre affaire13, la locatrice demandait la résiliation du bail ou, subsidiairement, une ordonnance d’accès au logement pour le faire visiter en vue d’une vente ou y faire des travaux. Dans ce dossier, le locataire refusait que la locatrice se présente au logement, alléguant en avoir peur, car elle lui manquait de respect. Le Tribunal indique que la loi encadre les obligations de chacune des parties dans le cadre d’un accès au logement et que le locataire ne peut pas refuser l’accès, sauf lorsque la locatrice ou son mandataire ne peuvent être présents, que la locatrice n’a pas donné un avis de 24 heures ou que la visite aurait lieu avant 9 heures ou après 21 heures. Le Tribunal refuse de résilier le bail, considérant que, selon la preuve, il s’agissait seulement d’une méconnaissance de la loi par le locataire. Une ordonnance d’accès est rendue.

Le locataire doit donc agir de bonne foi et collaborer avec le locateur.

Le harcèlement

Le locateur, ses employés ou concierges ne doivent pas entraver la jouissance paisible des lieux du locataire pour l’inciter à déménager

L’article 1902 du Code civil du Québec stipule que :

    "Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu'il quitte le logement.

    Le locataire, s'il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs."

La définition de harcèlement reprise dans de nombreux jugements du Tribunal administratif du logement est celle donnée par Me Pierre Pratte : "Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquences de restreindre, de façon continue, le droit d'un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d'obtenir qu'il quitte le logement.14"

Chaque cas est unique. Habituellement, pour que ses agissements soient considérés comme du harcèlement, le locateur devra avoir eu une conduite fautive pendant un certain temps.

Le harcèlement doit être apprécié de façon objective. L’erreur de bonne foi ou une succession de différends légitimes entre personnes défendant des points de vue opposés ou un conflit de personnalités ne constituera pas du harcèlement.

Par exemple, dans la cause Desbiens-Maltais c. Demers 15, les locataires se plaignaient de l’attitude du locateur et plus particulièrement, de ses sautes d’humeur. Ils prétendaient avoir été victimes de harcèlement et ils demandaient des dommages punitifs.

Le Tribunal conclut à un conflit de personnalités entre un locateur soucieux de conserver son immeuble en bon état et de respecter les règlements municipaux, mais qui fait preuve de trop d’autorité et d’un locataire, qui conteste l’attitude paternaliste du locateur. La demande en dommage punitif des locataires a été rejetée dans les circonstances.

Dans un autre dossier16, le locataire alléguait qu’il avait été harcelé par la locatrice. Plus particulièrement, il prétendait qu’à l’occasion de deux conversations téléphoniques, le locateur avait utilisé un langage offensant, discriminatoire et insultant envers lui. Il reprochait également au locateur de lui avoir offert, avec insistance, de quitter son logement en payant une pénalité de 3 mois de loyers.

Le Tribunal écrit ce qui suit :

[55]   Malgré le fait que le ton employé et les propos tenus par M. Georgos lors de cette conversation ne soient pas des plus amicaux et courtois, ce dernier n’apparaît pas pour autant agressif ni menaçant.  Celui-ci utilise des paroles qui ont certes pu blesser le locataire, mais cela s’avère insuffisant pour conclure à du harcèlement d’un point de vue juridique.

Le tribunal conclut donc que les gestes des représentants de la locatrice n’apparaissaient pas objectivement comme du harcèlement.

Par exemple, dans la cause Soucy c. Jeanneret17, un locataire alléguait, entre autres, du harcèlement provenant de son propriétaire. Le Tribunal explique que bien que les parties ne s’entendent pas, cela n’équivaut pas à du harcèlement. Plus particulièrement, il est expliqué que : « Une distinction est toutefois à faire entre l’existence de relations tendues, désagréables et la présence de harcèlement. » Dans ce dossier, la demande du locataire pour harcèlement est rejetée.

La conclusion que la relation contractuelle entre les parties avait été minée de part et d’autre, et ce, jusqu’à saturation, par des conflits larvés, ne peut constituer du harcèlement justifiant des dommages punitifs18.

Dans le cadre d'un jugement prononcé le 28 juin 201719, la preuve révélait que les locateurs, qui habitaient sous le logement du locataire, faisaient preuve d’intolérance au bruit qu’ils démontraient en tapant au plafond, en injuriant, en criant et en faisant preuve d’agressivité envers le locataire et sa famille. Il a également été prouvé que les locateurs agissaient ainsi envers d’autres locataires. Épuisé, le locataire a fini par quitter les lieux en cours de bail. Le juge administratif a reconnu que la résiliation avait eu lieu aux torts des locateurs et, considérant leurs agissements, les a condamnés à payer la somme de 4 000 $ au locataire à titre de dommages punitifs.

La ligne est parfois mince entre ce qui constitue du harcèlement ou un simple conflit. Le locataire devra prouver, pour obtenir des dommages punitifs, que le locateur a usé de stratagèmes illégitimes afin d’obtenir son départ.

Conclusion

En conclusion, les litiges entre propriétaires et locataires sont nombreux. Le Tribunal administratif du logement a compétence exclusive en première instance pour trancher tout litige résultant du bail signé entre les parties. Il est avantageux pour tous de connaître les principes de droit applicable et préparer adéquatement la preuve à l’audition de son dossier.


Notes:

    1. Langlois c. Allard 2020 QCRDL 8674 (CanLII)

    2. Perreault c. Habitations l'Équerre inc. 2021 QCTAL 29335

    3. Gamache c. Espina 2022 QCTAL 3999

    4. 444165, Minna c. Riel 2020 QCRDL 6067 (CanLII)

    5. Seye c. Herceg 2021 QCTAL 14521

    6. Malo c. Lahaie 2017 QCRDL 41479

    7. Domaine du Parc Cloverdale c. Issa, 2011 QCCQ 1468

    8. Sarr c. Place Benoit inc. 2022 QCTAL 13325

    9. Tanase c. Stirbu 2022 QCTAL 11037

    10. R & H Management 2011 inc. c. Montoya-Diez, 2018 QCRDL 5621

    11. Ho Lin c. Martinez 2022 QCTAL 1529

    12. Office municipal d’habitation de Montréal c. Monk 2021 QCTAL 26939

    13. Bouthiller c. Léger, 2020 QCRDL 3661

    14.Pierre PRATTE, « Le harcèlement envers les locataires et l’article 1902 du Code civil du Québec », (1996) 56 R. du B. 3,6

    15. Desbiens-Maltais c. Demers 2022 QCTAL 2877

    16. Ferrans Silva c. 9371-0696 Québec inc 2022 QCTAL 18960

    17.Soucy c. Jeanneret, 2020 QCRDL 3246 (CanLII)

    18. Boyer c. Touzin et al., 2016 QCRDL 25817

    19. Côté Chouinard c. Descheneaux, 2017 QCRDL 21156


Dernière mise à jour au 11 octobre 2022


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