Responsabilité civile de l'entreprise | Réseau juridique

Les conditions et les faits générateurs
de responsabilité


Me Isabelle Grégoire du cabinet Tutino Joseph Grégoire, Montréal


Contenu

Législation pertinente

Dans quels cas votre responsabilité civile sera-t-elle engagée?

  1. La faute
  2. Le préjudice (le dommage)
  3. Les lien de causalité

Autres situations qui peuvent engager votre responsabilité civile

  1. La faute de vos préposés et mandataires
  2. Le fait autonome des biens sous votre garde
  3. Le fait des animaux
  4. La responsabilité du fait de la ruine d'un immeuble
  5. Le défaut de sécurité d'un bien

Conclusion


Qu’est-ce que la responsabilité civile?  C’est le principe qui impose à une personne l’obligation de réparer le dommage (préjudice) qui est causé à une autre personne par son action ou son omission (la faute), ou celle des biens, d’animaux ou des personnes dont elle est responsable. Le but de la responsabilité civile est bien la compensation des dommages causés, et n’a pas, sauf exception, un but punitif.

Donc, vous êtes entrepreneur général en construction et l’un de vos sous-traitants cause un incendie pendant qu’il effectue ses travaux de soudure. Vous opérez un commerce de détail et l’un de vos clients chute en s’accrochant dans la dénivellation du seuil de la porte ou sur le stationnement verglacé... Ce sont des exemples des multiples situations qui peuvent donner ouverture à une poursuite en responsabilité civile contre votre entreprise.

Législation pertinente

La responsabilité civile peut être de nature extracontractuelle – c’est-à-dire hors du cadre d’un contrat entre les parties, et est alors régie par l’article 1457 du Code civil du Québec, qui se lit comme suit : 

    1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

    Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

    Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

Pour ce qui est de la responsabilité contractuelle (qui est l’obligation d’une personne de respecter ses engagements contractuels, c’est-à-dire le contrat), elle est soumise aux règles de l’article 1458 du Code civil du Québec :

    1458. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

    Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

Il ne faut pas croire qu’on peut éviter sa responsabilité contractuelle en engageant un sous-contractant (au lieu d’un employé ou de le faire soi-même).  Pour revenir à l’exemple cité plus haut, si vous êtes un entrepreneur général et que vous faite affaire avec un sous-traitant (le soudeur), il est important de savoir que vous pourrez être tenu responsable des dommages causés par la faute ou l’inadvertance de votre sous-traitant. En effet, vous ne pouvez exclure votre responsabilité en invoquant votre absence de faute. En prenant la décision d’introduire un sous-traitant au contrat, vous pourriez être tenu responsable du manquement de ses obligations contractuelles et de ses fautes face à votre client. (Référence : J.-L. Baudouin & P.-G. Jobin, Les obligations, 6e édition, Montréal, Les Éditions Yvon Blais, 2003, p. 762; Cinépix inc. c. J.K. Walkden ltd. [1980] C.A. 283.) 

    « GRF prétend qu’elle n’a rien fabriqué elle-même, puisqu’elle a sous-traité la fabrication de l’abri à un tiers. Cet argument ne vaut pas. Le fait que GRF ait pu sous-traiter la fabrication de l’abri à un tiers ne change pas le fait qu’elle se soit engagée à fournir à BE un abri devant être construit selon des spécifications précises. La nature d’un contrat n’est pas modifiée en raison du fait qu’on en confie l’exécution, en tout ou en partie, à un tiers : qui agit per alium agit per se* ».  (*celui qui agit par un autre, agit personnellement).

D’où l’importance de bien se protéger en ayant des contrats bien rédigés avec vos sous-contractants et en s’assurant que vos sous-contractants détiennent et maintiennent des assurances responsabilité adéquates, qui vous protègeront durant leur travail pour vos clients.

Dans quels cas votre responsabilité civile sera-t-elle engagée?

Votre responsabilité civile ne pourra être engagée que lorsque trois éléments seront établis par une preuve prépondérante: votre faute, un préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre votre faute et le préjudice. Il s’agit là de la pierre d’assise du système de responsabilité civile au Québec.

    1. La faute

    La faute peut se définir comme un manquement au devoir de prudence par une personne douée de raison. Ainsi, si vous opérez votre entreprise sous votre propre nom ou sous une dénomination sociale réservée, votre manquement à une obligation qui s’impose selon les circonstances, les usages ou la loi, pourra constituer une faute de votre part. Cette règle a longtemps été définie comme l’obligation d’agir en « bon père de famille ». En d’autres mots, votre conduite sera jugée en prenant pour exemple la conduite qu’aurait eue une personne raisonnablement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances que vous.

    Pour illustrer ce principe, les tribunaux considèrent qu’à la suite de précipitations sous forme de pluie verglaçante, un propriétaire de stationnement normalement prudent et diligent doit épandre un abrasif dans le but d’assurer la sécurité des personnes qui emprunteront son terrain de stationnement. Ainsi, si le propriétaire du stationnement néglige d’épandre du sel ou du sable malgré le fait qu’il peut constater l’état complètement glacé de son stationnement, sa conduite sera probablement jugée fautive. Toutefois, si la chute survient alors qu’il s’apprête à épandre de l’abrasif, alors que la pluie verglaçante vient tout juste de débuter, une Cour de justice pourrait conclure qu’il n’y a pas eu de négligence, donc que le propriétaire du terrain de stationnement a agi de façon raisonnable, a été diligent, et que la chute n’engage pas sa responsabilité civile.

    La personne qui commet la faute peut être une personne physique ou morale. Si vous opérez votre entreprise seul ou conjointement avec d’autres personnes, et que vous choisissez de vous incorporer, votre entreprise deviendra une personne morale avec des droits et obligations, c’est votre entreprise incorporée elle-même qui engagera sa responsabilité civile en cas de négligence et qui sera poursuivie. Celle-ci, au même titre qu’une personne physique, sera considérée comme ayant été négligente si, en reprenant notre exemple, elle omet de prendre les mesures raisonnables nécessaires afin d’assurer la sécurité des personnes qui utilisent le terrain de stationnement qu’elle met à leur disposition.

    Il convient de noter qu’une faute peut être un geste positif mais peut aussi être une omission d’agir, alors qu’une action aurait normalement dû être posée. Ce serait le cas par exemple d’un soudeur qui utilise un chalumeau pour couper le métal et qui travaille près de matériaux combustibles. Les normes de sécurité dans ce domaine lui imposent d’utiliser plusieurs dispositifs afin d’éviter que les étincelles de métal en fusion n’enflamment les matières combustibles: s’il omet de le faire, cela pourra être considéré comme une faute d’omission. Cette faute engendrera la responsabilité civile du soudeur et celle de son employeur.

    Effectivement, votre entreprise et/ou vous-même pouvez aussi être tenus responsable pour une faute non pas commise par vous mais pour une faute commise par l’un des membres de votre personnel qui agit dans l’exercice de ses fonctions (article 1463 Code civil du Québec). Ainsi, si l’un des serveurs de votre restaurant renverse une tasse de café bouillant sur un client et le brûle, la faute du serveur pourra être imputée à votre entreprise par le client.

    Il existe de très nombreuses façons d’engager sa responsabilité civile. Par exemple, une compagnie ne peut pas déclarer un dividende si de ce fait elle devient incapable d’acquitter son passif à échéance. Par conséquent, selon l’article 156(4) de la Loi sur les sociétés par actions (LSA), l’administrateur qui approuve une telle déclaration pourrait être tenu responsable du montant du dividende non recouvré par l’entreprise, sauf s’il établit qu’il a fait preuve de prudence et diligence. L’affaire de Rice c. 9123-4385 Québec inc., 2018 QCCQ 2105 est intéressante en ce qu’elle traite de la possible exonération de l’administrateur s’il a fait preuve de prudence et de diligence. La question est présentement devant la Cour d’appel. La décision rendue sera intéressante.  C’est l’article 121 de la Loi sur les sociétés par actions qui indique qu’un administrateur peut se dégager de sa responsabilité s’il établit qu’il a fait preuve de prudence et de diligence:

      121. Un administrateur est présumé avoir satisfait à son obligation d’agir avec prudence et diligence si, de bonne foi et en se fondant sur des motifs raisonnables, il s’appuie sur le rapport, l’information ou l’opinion fourni par:

      1. un dirigeant de la société que l’administrateur croit fiable et compétent dans l’exercice de ses fonctions;

      2. un conseiller juridique, un expert comptable ou une autre personne engagée à titre d’expert par la société pour traiter de questions que l’administrateur croit faire partie du champ de compétence professionnelle de cette personne ou de son domaine d’expertise et à l’égard desquelles il croit cette personne digne de confiance;

      3. un comité du conseil d’administration dont l’administrateur n’est pas membre et qu’il croit digne de confiance.

    Pour déterminer si l’administrateur ou le dirigeant d’une entreprise a adopté un comportement prudent et diligent, on se demandera notamment s’il a été assidu aux réunions du conseil d’administration, s’il a collecté toute l’information nécessaire avant de prendre une décision importante et s’il a surveillé la gestion de l’entreprise. Les tribunaux font toutefois preuve de déférence à l’égard des décisions d’affaire d’un administrateur. Ainsi, même s’il s’avère après coup que la décision prise n’était pas la meilleure et qu’elle a causé des dommages, le juge évaluera si la décision était raisonnable à l’époque où elle a été prise. 

    Un autre exemple important de la responsabilité possible d’un administrateur est celle qui concerne le salaire des employés de la compagnie. En effet, l’article 154 alinéa 1 de la Loi sur les sociétés par actions stipule que l’administrateur est solidairement responsable avec la compagnie, jusqu’à concurrence de six mois de salaire des employés, pour les services rendus par ceux-ci pendant son administration (voir aussi les articles 321 et 2144 Code civil du Québec). Il faut savoir que le terme salaire inclut les vacances, les commissions, les primes, les bonis, les dépenses engagées pour le compte de l'employeur et les avantages accessoires, mais pas l'indemnité de départ (paie de séparation). 

    L’employé pourra invoquer la responsabilité de l’administrateur après que l’avis d’exécution du jugement obtenu contre la compagnie est insatisfait (154 al. 2 Loi sur les sociétés par actions). De plus, cette responsabilité pourra également être invoquée lorsque « la société […] fait l’objet d’une ordonnance de mise en liquidation ou devient faillie au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3) et qu’une réclamation de cette dette est déposée auprès du liquidateur ou du syndic » (154 al. 2 Loi sur les sociétés par actions). Selon le même article, le recours contre la société ainsi que la mise en liquidation ou la faillite de celle-ci arrive dans l’année du jour où la dette est devenue exigible.

    Une note importante : advenant le cas où vous seriez poursuivi pour les mêmes faits au criminel et au civil, il est important de savoir qu’un acquittement dans le procès criminel n’a pas pour effet d’empêcher automatiquement que votre responsabilité soit retenue dans un procès civil.

    Même s’il ne s’agit pas du sujet de cet article, qu’il nous soit quand même permis d’ouvrir une parenthèse afin de souligner que le cadre législatif que doivent respecter les entreprises contient des règles strictes pouvant engager également la responsabilité pénale, voire criminelle des dirigeants de l’entreprise, notamment en cas d’accident survenu sur les lieux de l’entreprise et ayant causé des blessures graves ou la mort d’une personne.

    2. Le préjudice (le dommage)

    En plus d’établir l’existence d’une faute, la victime, qui voudrait vous tenir responsable, devra aussi établir qu’elle a subi un dommage. Ce dommage peut être de trois types: corporel, moral ou matériel.

    Le dommage corporel se définit comme étant une atteinte à l’intégrité physique d’une personne. Il peut notamment s’agir d’une fracture au poignet, d’une luxation du genou, de la perte de vision, de maux de tête, de nausées ou d’un déficit esthétique.

    Le dommage moral inclut quant à lui l’atteinte à la réputation d’une personne, ses angoisses, son stress, ses douleurs, ses troubles et les différents inconvénients qu’elle subit.

    Finalement, le dommage matériel englobe tous les dommages causés à des biens tangibles ou intangibles.  À titre d’exemples, il peut s’agir notamment d’une perte de profits suivant une interruption forcée des affaires, de la perte de revenus, de clientèle ou de ventes, la perte d’un emploi, la perte ou la détérioration d’un bien matériel, les biens endommagés par l’eau et la suie suivant un incendie, les marchandises endommagées ou encore la perte d’un montant d’argent. 

    Il est possible d’exclure votre responsabilité par voie contractuelle. Toutefois, vous ne pouvez jamais exclure ni limiter votre responsabilité pour les dommages corporels et moraux. Quant au préjudice matériel, l’exclusion ou la limitation ne sera pas valide si le tribunal juge que vous avez commis une faute lourde ou intentionnelle (voir l’article 1474 Code civil du Québec).

    3. Le lien de causalité

    Cette dernière exigence fait en sorte que la victime d’un préjudice a l’obligation de prouver que le préjudice (le dommage) qu’elle prétend avoir subi résulte directement de la faute qu’elle vous reproche d’avoir commise.

    Dans certains cas, l’existence de ce lien de causalité est relativement évidente. C’est notamment le cas lorsque la faute et le dommage surviennent de façon quasi-simultanée. Par exemple, si une personne fait une chute sur une plaque de glace située précisément devant la porte d’entrée de votre boucherie, il ne sera pas très difficile pour la victime d’établir que votre omission d’avoir épandu de l’abrasif sur cette plaque de glace est la cause de sa chute et de sa fracture de la hanche.

    Cependant, la situation peut être plus difficile lorsque le dommage survient un certain temps après que la faute ait été commise. L’exemple le plus célèbre est certainement celui de la mousse isolante à l’urée formaldéide (miuf). Dans cette affaire, où le procès en première instance a duré plus de sept ans, six familles, dont la résidence avait été isolée à la miuf, tentaient de démontrer qu’elles avaient subi divers dommages tant corporels que matériels en raison de l’installation de ce produit dans leur maison, à la fin des années 1970. Elles ont établi différents symptômes dont elles étaient victimes ainsi que la dégradation de leur propriété au cours des années qui ont suivi l’installation de ce produit isolant. Toutefois, dans sa décision (longue de plus de 1000 pages), le juge de la Cour supérieure a notamment conclu que les demandeurs n’étaient pas parvenus à lui prouver l’existence d’un lien causal direct entre l’installation de la mousse isolante dans leur résidence et les différents problèmes qu’ils avaient eus au cours des années subséquentes à l’installation de l’isolant.

    Parfois, la situation particulière de la victime rend l’analyse du lien causal difficile. Une personne normale qui chute ne se serait peut-être pas blessée aussi gravement qu’une personne qui a une pathologie particulière.  La question qui se posera sera alors quel est l’apport de chute et quel est l’apport de la condition préexistante dans le dommage subi? La difficulté que pose parfois le lien de causalité peut être illustrée de la façon suivante :  comment départager le stress causé à une personne anxieuse de nature par une faute donnée? Car la victime, doit, comme nous l’avons préalablement indiqué, prouvé la faute, les dommages et que les dommages sont causés par la faute.

Autres situations pouvant engager la responsabilité civile d’une personne

    1. La faute des préposés et mandataires (art. 1463 C.c.Q.)

    Tel que nous l’indiquions précédemment, à titre d’employeur, votre responsabilité pourrait être engagée en raison d’une faute commise par un de vos employés, si celui-ci agit dans l’exécution de ses fonctions.

    Pour être considéré comme un employeur, vous devez avoir un pouvoir de contrôle et de surveillance direct sur le travailleur qui a commis une faute, c’est-à-dire avoir le pouvoir de lui imposer une méthode de travail. On dira que l’employé a agi « dans le cadre de ses fonctions » s’il agissait pour le bénéfice et l’intérêt de son employeur au moment où il a commis les gestes fautifs. Il est important de noter que votre responsabilité peut être retenue même s’il est établi que votre préposé a transgressé un ordre formel de votre part.

    En tant qu’employeur, tant en vertu des lois du travail et du régime général du Code civil du Québec, votre responsabilité risque fort d’être retenue si l’un de vos employés harcèle sexuellement un autre employé ou un client. 

    Si votre employé emploie une violence démesurée par rapport à la menace que représente le client, votre responsabilité risque fort d’être retenue, et ce, même s’il n’a pas respecté vos consignes quant à la façon de traiter les clients, puisque l’absence de faute n’est pas un moyen d’exonération pour l’employeur. 

    Il en va de même de vos mandataires. Si vous ou votre entreprise confiez à une personne le mandat d’accomplir un acte et que cet acte, effectué selon vos instructions, cause un préjudice à autrui, votre responsabilité ou celle de votre entreprise pourrait être engagée pour les gestes posés par votre mandataire.

    2. Le fait autonome des biens sous votre garde (art. 1465 C.c.Q.)

    Le Code civil du Québec prévoit aussi que le gardien d’un bien, qui cause un préjudice, sera tenu d’indemniser le préjudice ainsi causé. Par exemple, le propriétaire d’un édifice sera responsable s’il y a une chute de neige en provenance du toit et que celle-ci cause des dommages à un bien ou une personne. Toutefois, pour ce faire, il faudra que la victime du dommage soit en mesure de prouver que :

    1. le dommage a été causé par le fait autonome du bien en question, et

    2. que le bien était sous votre garde. 

    Lorsqu’on parle du fait autonome d’une chose, il faut que la chose ait causé un dommage par elle-même, sans intervention humaine directe. À titre d’illustration, on peut envisager le cas d’une lampe défectueuse. Alors que celle-ci est allumée mais que personne n’est présent dans la pièce, celle-ci provoque un court-circuit, qui allume un incendie, qui lui endommage l’immeuble que vous occupez à titre locataire. Tant le propriétaire des lieux que des locataires adjacents pourraient vous poursuivre en responsabilité civile en invoquant le fait autonome de la lampe en question. Évidemment, dans cet exemple, vous aurez un recours contre le fabricant, le distributeur et le fournisseur d’un bien meuble en vertu du 1468 du Code civil du Québec, tel que nous le verrons plus bas.

    La seconde condition requise pour engager votre responsabilité pour le fait autonome d’un bien est que vous soyez le gardien de cette chose. De façon générale, pour être considéré comme gardien, les tribunaux ont exigé que la personne ait un pouvoir de contrôle et de direction sur la chose qui cause, par son fait autonome, le dommage. Il n’est donc pas nécessaire d’être le propriétaire du bien pour en être le gardien. 

    Une fois ces conditions établies, ce sera à vous de prouver que vous n’avez commis aucune faute dans la garde ou l’usage du bien. Pour ce faire, il vous faudra démontrer que vous n’avez pas commis de faute, c’est-à-dire qu’il vous était impossible de prévenir le préjudice ou alors qu’une autre personne a commis une faute. 

    3. Le fait des animaux (art. 1466 C.c.Q.)

    Vous pouvez être tenu responsable des dommages causés par un animal dès que vous en avez la garde, que vous en soyez propriétaire ou non, car en étant le gardien, vous en avez le contrôle, la surveillance ou la direction. Le Code civil du Québec implique une obligation incombant au propriétaire ou au gardien de l'animal à veiller à ce que celui-ci ne subisse ou ne cause aucun dommage.

    Bien que les animaux soient maintenant considérés comme des êtres doués de sensibilité qui ont des impératifs biologiques (article 898.1 du Code civil du Québec), les dispositions du Code civil relatives aux biens restent applicables et ils peuvent engager votre responsabilité civile.

      1466. Le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice que l’animal a causé, soit qu’il fût sous sa garde ou sous celle d’un tiers, soit qu’il fût égaré ou échappé.

      La personne qui se sert de l’animal en est aussi, pendant ce temps, responsable avec le propriétaire.

    La responsabilité du propriétaire est engagée dès que l'animal cause un dommage à autrui, même si la garde de l'animal a été confiée à un tiers et même si l'animal s'est égaré ou échappé. Le gardien pourra aussi donc être tenu responsable au même titre que le propriétaire.

    Par exemple, vous opérez un garage et durant la nuit, afin de protéger les véhicules qui se trouvent dans la cour, vous y laissez un chien de garde. Si celui-ci s'attaque à quelqu'un et le blesse, et ce même s'il a brisé la lourde chaîne qui l'attachait à sa niche, votre responsabilité sera engagée. Il en sera ainsi même si la victime se trouvait sur votre propriété sans autorisation. De plus, le seul fait de mettre en garde le public, par exemple en mettant une affiche dénonçant la présence de l'animal, ne suffit pas à vous exonérer.

    Les seuls moyens d'exonération qui peuvent être envisagés dans de tels cas, bien que ceux-ci soient rarement retenus par les Tribunaux, sont la provocation de l'animal par sa victime ou par une tierce personne.

    4. La responsabilité du fait de la ruine d’un immeuble (art. 1467 C.c.Q.)

    Lorsque la ruine du bâtiment dont vous être propriétaire cause un dommage à une personne ou à l'un de ses biens, vous serez tenu responsable de ce dommage, peu importe s'il résulte d'un vice de construction ou encore d'un défaut dans l'entretien de l'immeuble.

    Par exemple, si la brique de votre vieil immeuble se désagrège et qu'une pierre tombe sur le capot d'une voiture stationnée non loin de là, votre responsabilité sera engagée en raison du défaut d'entretien de votre bâtisse. Il en va de même si la rampe menant au sous-sol de votre établissement est mal vissée au mur. Si une personne s'appuie sur la rampe, qui cède, entraînant la chute de la personne, votre responsabilité risque fortement à nouveau d'être engagée en raison de ce vice de construction. Dans ce dernier cas, vous pouvez toutefois détenir un recours contre celui qui a installé cette rampe. 

    D’ailleurs, en plus des règles de base de la responsabilité civile sous 1467 du Code civil du Québec, il faut savoir qu’il est obligatoire de vérifier et d’entretenir les façades de 5 étages hors sol et plus en vertu du chapitre Bâtiment du Code de sécurité, tout comme il est obligatoire de vérifier et d’entretenir les parcs de stationnement, et l’équipement destiné à l’usage du public (comme par exemple les terrasses, tribunes, estrades). Ces obligations sont incluses au chapitre VIII « Bâtiment » du Code de sécurité du Québec, chapitre B-1.1, r. 3.

    5. Le défaut de sécurité d’un bien (art. 1468 et 1469 C.c.Q.)

    Finalement, la dernière situation sur laquelle nous souhaitons attirer votre attention est celle du défaut de sécurité d'un bien meuble. Par défaut de sécurité, on entend le cas d'un "bien qui n'offre pas la sécurité à laquelle on est normalement en droit de s'attendre" ou "encore de l'absence d'indications suffisantes quant aux risques et dangers qu'il comporte ou quant aux moyens de s'en prémunir." En effet, tel qu’indiqué plus tôt avec l’exemple de la lampe défectueuse qui cause un incendie, en vertu de 1468 du Code civil du Québec article, le fabricant, le distributeur et le fournisseur (grossiste ou détaillant) d’un bien meuble sont responsables pour le préjudice causé en raison d’un défaut de sécurité du bien. Leur responsabilité civile est engagée et cela n’a rien à voir avec les garanties offertes ou non par le vendeur.

      1468. Le fabricant d’un bien meuble, même si ce bien est incorporé à un immeuble ou y est placé pour le service ou l’exploitation de celui-ci, est tenu de réparer le préjudice causé à un tiers par le défaut de sécurité du bien.

      Il en est de même pour la personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et pour tout fournisseur du bien, qu’il soit grossiste ou détaillant, ou qu’il soit ou non l’importateur du bien.

    Par exemple, un détaillant qui vendrait une poupée de chiffon, dont la substance colorante est toxique pour la santé: comme il est raisonnable de penser qu'un enfant mette le jouet dans sa bouche, il y a fort à parier que ce défaut de sécurité engagera la responsabilité du vendeur.

    Il en va de même d'un produit hautement inflammable qui serait mis sur le marché par un fabricant, sans que celui-ci ne mentionne sur l'étiquette ce caractère hautement inflammable. Si un ouvrier utilisant ce bien devait être brûlé suivant l'utilisation du produit près d'une flamme vive, la responsabilité du fabricant pour son omission de renseigner les utilisateurs potentiels risque fort d'être engagée.

Conclusion


Ces quelques lignes avaient pour but de vous donner un bref aperçu des situations qui peuvent engager votre responsabilité civile ou celle de votre entreprise. 

Toutefois, comme vous avez pu le remarquer, dans plusieurs situations, des mesures de prévention et de prudence élémentaires pourraient permettre d’éviter les accidents pouvant donner lieu à des poursuites en responsabilité civile. Pour les cas imprévisibles, il est prudent de détenir une assurance de responsabilité civile générale qui vous couvre contre les conséquences pécuniaires de votre responsabilité civile. Vous pouvez mieux parer à une action en dommages-intérêts qui pourrait être intentée contre votre entreprise, puisqu’une telle assurance, lorsqu’elle couvre les dommages réclamés, garantira non seulement le montant d’une éventuelle réclamation mais aussi tous les frais liés à la défense de vos intérêts (incluant les frais d’enquête et les frais d’expertise).


Autres références...


Dernière mise à jour : 10 avril 2020


Avis : L'information présentée ci-dessus est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant un ou des conseils ou avis juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, veuillez consulter un avocat ou un notaire.

© Copyright 1997- , Jurismedia inc., Tous droits réservés