L'immigration temporaire pour fin de travail | Réseau juridique

L'immigration temporaire pour fin de travail


AVIS AUX LECTEURS


Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.

L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.


Pierre-Étienne Morand1, avocat, Heenan Blaikie, avocats, Québec


Contenu

Introduction

Simple visiteur ou travailleur?

La confirmation de l'offre d'emploi temporaire préalable à l'obtention d'un permis de travail

La demande de permis de travail

Qu'est-ce qu'un "visiteur commercial"?

Conclusion


Introduction

Dans le "village global" actuel, il est possible de bénéficier des meilleures ressources humaines et ce, sans égard aux frontières… Cela peut même s'avérer la solution la plus efficiente pour les employeurs de certains secteurs d'activité aux prises avec des besoins criants de main-d'œuvre ou encore ceux qui croient que leur croissance ou expansion dépend directement du recours à un travailleur étranger.

Effectivement, devant une pénurie de main-d'œuvre grandissante et l'intensification de la concurrence au niveau local et international, l'éveil entrepreneurial aux vertus et multiples possibilités qu'offre l'immigration temporaire s'avère un outil essentiel qu'on ne saurait désormais écarter.

Le présent texte dressera en premier lieu un portrait sommaire des principes de base de l'immigration temporaire à des fins de travail. Il sera par ailleurs question de certaines exceptions à ces principes généraux, telles le visiteur commercial.

Simple visiteur ou travailleur?

Un permis de travail constitue une autorisation légale et obligatoire à tout étranger qui désire travailler au Canada2.

La définition de "travail" est interprétée de façon très large: elle inclut toute "activité qui donne lieu au paiement d'un salaire ou d'une commission, ou qui est en concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanent sur le marché du travail au Canada" (nous soulignons)3.

Cette définition inclut également toute activité pour laquelle une rémunération devrait être payée. La Cour fédérale est très stricte à ce sujet, jugeant notamment qu'un employeur, retenant le salaire d'un employé étranger en attendant que ce dernier obtienne un permis de travail, emploie illégalement cet étranger4.

Ainsi, le bénévolat peut constituer du "travail".

Prenez gare, car les sanctions applicables à quiconque "engage un étranger qui n'est pas autorisé en vertu de la présente loi à occuper cet emploi"5 sont très sévères au Canada, comme en atteste le libellé de l'article 125 L.i.p.r.:

    125. L'auteur de l'infraction visée au paragraphe 124(1) est passible, sur déclaration de culpabilité:

    a) par mise en accusation, d'une amende maximale de cinquante mille dollars et d'un emprisonnement maximal de deux ans, ou de l'une de ces peines;

    b) par procédure sommaire, d'une amende maximale de dix mille dollars et d'un emprisonnement maximal de six mois, ou de l'une de ces peines.

Considérant qu'au sens de l'article 124(2) L.i.p.r., un employeur embauchant un étranger qui n'est pas autorisé à occuper cet emploi est réputé connaître cet état de fait, la prudence est de mise et des vérifications diligentes du statut du travailleur étranger doivent être un préalable à toute prestation de travail de sa part.

Aux fins de ces vérifications, une meilleure compréhension par l'employeur de la procédure générale d'obtention d'un permis de travail s'impose.

La confirmation de l'offre d'emploi temporaire préalable à l'obtention d'un permis de travail

Généralement, en premier lieu, afin de pouvoir embaucher un travailleur étranger, l'employeur devra d'abord obtenir une confirmation de l'offre d'emploi temporaire des autorités canadienne (Ressources et humaines et Développement des compétences Canada (ci-après "RHDCC")) et québécoise (ministère des de l'Immigration et des Communautés Culturelles (ci-après le "MICC")).

Pour ce faire, l'employeur devra compléter une "Demande d'avis relatif au marché du travail" (ci-après "AMT"), qu'il enverra aux autorités canadienne et québécoise, ainsi qu'une "Demande de certificat d'acceptation pour travail temporaire" (ci-après "CAQ"), complétée par le travailleur et transmise seulement au MICC. L'employeur devra joindre à sa demande des pièces justificatives faisant état de ses efforts de recrutement dans le marché local de l'emploi (publications d'offre d'emploi, recours à des firmes de chasseurs de têtes, etc.).

Lors de l'étude d'une demande, les autorités tiendront compte, notamment, des besoins de l'entreprise, de son projet, des circonstances justifiant l'offre d'emploi, des enjeux et des effets bénéfiques pour l'employeur de même que de l'expertise et des qualifications du travailleur étranger.

Par ailleurs, seront également pris en considération les effets qu'aura l'exécution du travail par le travailleur étranger sur le développement ou le transfert de compétences ou connaissances au profit des citoyens canadiens et résidents permanents, sur la création d'emplois locaux et sur la réduction d'une pénurie de main-d'œuvre6.

En somme, à la lumière de l'appréciation des facteurs énoncés précédemment, les effets potentiels de l'embauche du travailleur étranger sur le marché local de l'emploi devront être considérés comme neutres ou positifs, à défaut de quoi la demande sera rejetée.

Dans les cas dans lesquels un AMT est requis, la confirmation de l'offre d'emploi temporaire prend la forme d'une lettre conjointement signée par RHDCC et le MICC. Le MICC délivre un CAQ pour travail temporaire au travailleur étranger.

Cependant, il existe plusieurs dispenses de demande d'AMT fondées notamment sur certains accords internationaux tels que l'ALÉNA et le GATS7. Ces dispenses permettent à un étranger d'obtenir un permis de travail plus rapidement, sans confirmation préalable et sans effort de recrutement dans le marché local de l'emploi.

Par ailleurs, lorsqu'une offre d'emploi est dispensée de la procédure d'AMT, le MICC n'aura pas à confirmer l'offre d'emploi temporaire et le candidat appelé à pourvoir un tel poste n'aura pas à se voir délivrer un CAQ avant l'obtention de son permis de travail8.

Les dispenses les plus fréquentes sont celles liées à des mutations de personnel à l'intérieur de sociétés transnationales, à l'embauche d'étudiants étrangers récemment diplômés au Canada, de professionnels ou de candidats hautement qualifiés, dont l'expertise générera des avantages économiques, sociaux ou culturels importants.

Au Québec, il existe des procédures spécifiques à certaines catégories de travailleurs, notamment dans les domaines de la santé (infirmiers et médecins) et de l'agriculture (travailleurs saisonniers) dans lesquels la pénurie de main-d'œuvre a un impact négatif mesurable sur l'économie nationale.

La demande de permis de travail

Une fois l'AMT et le CAQ obtenus ou encore lorsqu'une dispense d'AMT est applicable, le travailleur étranger peut faire une demande de permis de travail. Pour ce faire, le travailleur étranger doit s'adresser au bureau canadien des visas responsable de son pays de résidence9.

Cela dit, les citoyens des pays dispensés de l'obligation d'obtenir un visa pour voyager au Canada10 auront généralement l'avantage de pouvoir présenter une demande de permis de travail à leur arrivée au pays11, ce qui réduit considérablement les délais.

Néanmoins, dans certains cas, notamment lorsqu'un examen médical est requis, une demande de permis de travail devra être présentée au bureau canadien des visas à l'étranger.

À noter qu'avant l'arrivée du travailleur étranger au Canada, dans la seule mesure où il est dispensé de l'obligation d'obtenir un visa, l'employeur peut solliciter l'opinion de Citoyenneté et Immigration Canada quant à l'application d'une dispense d'AMT en transmettant une demande au Service régional des travailleurs étrangers de Montréal. Advenant qu'une dispense d'AMT trouve application, ce service délivrera une lettre d'opinion que le travailleur étranger pourra présenter à l'agent d'immigration aux fins de la délivrance de son permis de travail lors de son arrivée au Canada. Puisqu'il ne s'agit que d'une opinion rendue sur dossier, la décision finale quant à la délivrance ou non du permis appartient exclusivement à l'agent d'immigration.

Dans tous les cas, l'étranger devra satisfaire, notamment, à toutes les exigences en matière d'immigration temporaire pour se voir délivrer un permis de travail.

Qu'est-ce qu'un "visiteur commercial"?

Une exception particulièrement intéressante à cette obligation générale d'obtenir un permis de travail pour travailler au Canada est celle du visiteur commercial12.

En tant que visiteur commercial, un étranger pourra travailler sans permis de travail. Attention: cette exception est limitée et interprétée de façon restrictive.

Ce faisant, avant de permettre à un étranger d'exercer des activités en le considérant comme visiteur commercial, l'employeur ou son représentant légal devront faire preuve de beaucoup de prudence et bien comprendre les tenants et aboutissants de cette notion particulière.

On qualifiera de visiteur commercial un travailleur étranger qui fait affaire au Canada de façon accessoire à ses activités commerciales principales qui ont lieu à l'extérieur du Canada13. En quelque sorte, le point focal de l'analyse des agents d'immigration en la matière est de s'assurer que le degré de rattachement au Canada du travailleur étranger est faible, faiblesse dont la preuve devra être faite par celui voulant se prévaloir de ce statut.

Cette réalité ressort clairement du libellé même de l'article 187(3) R.i.p.r., qui énonce les facteurs devant être pris en considération dans l'application de la notion de visiteur commercial:

    (3) Facteurs - Pour l'application du paragraphe (1), l'étranger cherche à participer à des activités commerciales internationales au Canada sans s'intégrer directement au marché du travail au Canada si, à la fois:

    a)la principale source de rémunération des activités commerciales se situe à l'extérieur du Canada;

    b)le principal établissement de l'étranger et le lieu où il réalise ses bénéfices demeurent principalement à l'extérieur du Canada.(Nous soulignons)

À titre d'exemple, sont considérés comme visiteurs commerciaux des employés d'une entreprise ou d'un gouvernement étranger qui doivent acheter des biens ou des services canadiens, de même qu'acquérir une formation à leur égard ou se familiariser avec ceux-ci14.

Par ailleurs, la notion de visiteur commercial est très utile pour permettre une certaine mobilité aux travailleurs ou cadres d'une entreprise transnationale ayant une filiale canadienne, et ce, eu égard à des formations ou réunions.

Notez toutefois que si le travailleur étranger provient d'un pays où un visa est nécessaire afin de voyager au Canada15, l'obtention de ce visa sera obligatoire et ce, même s'il se qualifie comme visiteur commercial.

La notion de visiteur commercial a toutefois ses limites et les agents d'immigration sont très vigilants à son égard. Effectivement, dans le cas de séjours fréquents et successifs, plus ou moins longs, les agents d'immigration pourront déterminer que l'étranger doit obtenir un permis de travail à titre de travailleur temporaire pour exercer ses activités et assortir le séjour d'une telle condition et en limiter la durée.

Conclusion

La mise en œuvre d'une stratégie de mobilité internationale de la main-d'œuvre est au 21e siècle un incontournable susceptible de procurer aux entreprises québécoises d'importants avantages concurrentiels. Il suffit de jouer de prudence afin de connaître les règles qui régissent l'embauche ou le recours aux services de travailleurs étrangers, afin d'éviter des situations illégales et de non-conformité pouvant affecter négativement l'entreprise ou le droit de séjour de l'étranger au Canada.


Notes:

1. L'auteur est avocat chez Heenan Blaikie et exerce en droit de l'immigration et en droit du travail et de l'emploi.

2. Art. 30 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (ci-après la "L.i.p.r."); Art. 8 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (ci-après le "R.i.p.r.").

3. Art. 2 R.i.p.r.

4. Juneja c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 301 (C.F.).

5. Art. 124(1)(c) L.i.p.r.

6. Voir art. 203 R.i.p.r.

7. Voir art. 204 R.i.p.r., ALÉNA : Accord de libre-échange nord-américain; GATS : General Agreement on Trade in Services.

8. Art. 53 du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, c. I-0.2, r. 4, (ci-après le "R.s.r.é.").

9. Une liste des emplacements de ces bureaux canadiens est disponible à l'hyperlien suivant: http://www.cic.gc.ca/francais/information/bureaux/missions.asp.

10. Des dispenses sont prévues pour de nombreux pays, notamment ceux d'Europe occidentale et les États-Unis. Voir art. 190 R.i.p.r.

11. Art. 198(1) R.i.p.r.

12. Art. 8(2), 186a) et 187 R.i.p.r.

13. Art. 187(1) R.i.p.r.

14. Art. 187(2)a) R.i.p.r.

15. Supra note 12.


Dernière mise à jour au 13 mars 2011

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